Apprentissages informels au château de Versailles

Apprentissages informels au château de Versailles

Il y a peu, les enfants et moi, accompagnés de l’un de mes neveux, lycéen, sommes allés au Château de Versailles. Plus précisément, dans les jardins du château. Cela tombe bien, car je rencontre souvent des mamans inquiètes qui se demandent comment on peut apprendre en-dehors d’un cadre « scolaire ». Dans l’instruction en famille, il y a toutes sortes de courants, de « l’école de grand-papa » à l’unschooling, ou instruction informelle. Même dans cette dernière catégorie, il y a des nuances : certaines familles laissent les enfants apprendre réellement seuls, en autonomie, et ne font que répondre à leurs questions et sollicitations, sans chercher à susciter la curiosité. D’autres créent les occasions d’apprentissage et c’est plutôt ce que je me suis efforcée de faire durant cette visite à Versailles.

C’est donc l’opportunité idéale de vous expliquer un peu comment nous fonctionnons lorsque nous ne faisons pas spécifiquement du Montessori, mais vous comprendrez aussi à la fin pourquoi je suis tellement attachée à cette pédagogie qui est un support formidable.

Nous avons donc passé une bonne partie de la journée dans ces magnifiques jardins dessinés par Le Nôtre. A l’arrivée au château, François a remarqué les deux façades « qui ressemblent à un temple romain » : j’en ai donc profité pour lui parler un peu du classicisme et de la façon dont à cette époque on s’est mis à imiter les œuvres d’art de l’Antiquité.

Dans les jardins eux-mêmes, les enfants se sont mis à courir de statue en statue pour lire les inscriptions. Excellent exercice de lecture puisque pour la plupart ce n’étaient pas des noms qu’ils connaissaient. François n’avait pas de souci, mais pour Elisabeth, qui commence tout juste l’étude des différentes façons d’écrire un même son (e/eu/œu), c’était un véritable travail.

Au passage, lorsque je connaissais l’histoire du personnage représenté, je la racontais aux enfants (Cléopâtre, des dieux romains…) et nous recherchions la symbolique qui permet de les reconnaître. Au passage nous avons dû aborder la notion d’allégorie quand sur une fontaine, ma fille a lu « Les trois chasseurs » : « Mais c’est qui ? Comment ils s’appellent ? » Ce n’était qu’une représentation de la chasse… Bon, je ne suis pas sûre qu’ils aient bien compris le principe, mais ça viendra un jour.

Devant une fontaine, François s’est exclamé que l’oiseau représenté dessus ressemblait à un cygne ou une cigogne, il ne savait pas trop. Je lui ai donc confirmé que c’était bien un cygne, je lui ai montré quelques éléments qui permettaient de le reconnaître, avant de lui rappeler ce qu’est une cigogne, qu’elle appartient à la famille des échassiers, comme le héron, qu’ils ont de grandes pattes très fines, et qu’elle est blanche et noire.

En passant devant le château, nous avons un peu parlé des rois et reines qui y ont vécu (ils connaissaient déjà Louis XIV). Puis nous nous sommes dirigés un peu plus bas vers le grand canal, où nous nous sommes arrêtés pour goûter.

Là, nous avons surtout observé la nature : les différents oiseaux qui nous entouraient (corbeaux, canards, cygnes…), les feuilles, les bourgeons… Petite partie de ballon pour se défouler, petit goûter pour récupérer et nous sommes repartis vers le château.

Nous avons repris notre exploration des statues jusqu’à ce que tout le monde soit bien fatigué ! Cela tombait bien, c’était l’heure à laquelle mon mari devait nous rejoindre. Il ne restait plus qu’à attendre le départ du car que devait prendre mon neveu. Pour patienter, et comme les enfants étaient épuisés par leur longue marche, nous sommes allés dans un café pour prendre un verre. Sur l’un des verres que le serveur a apporté, il y avait la Corse : l’occasion parfaite de demander aux enfants s’ils reconnaissaient cette forme, qu’ils ont déjà souvent manipulée sur des puzzles de France.

Puis vint le moment de l’addition : j’ai expliqué à mon aîné qu’il était toujours bon de vérifier une addition et je lui ai demandé s’il voulait bien refaire le calcul pour que l’on soit surs du résultat. Il s’est donc lancé dans son addition de 6 nombres à 3 chiffres (je lui ai rapidement expliqué le principe de la virgule en lui disant que ce qui venait après, c’étaient des centimes, et qu’il pouvait donc faire comme s’il n’y avait pas de virgule). Je vous rassure : le calcul de la machine était bon !

Mon neveu a finalement pris son car et cela a sonné la fin de notre magnifique journée à Versailles. Au final, les enfants ont travaillé :

  • L’histoire de l’art (notion de classicisme)
  • La lecture (les noms des statues, souvent très difficiles à lire)
  • L’histoire et la mythologie (toujours grâce aux statues, ainsi qu’à la présence du château de manière générale)
  • La botanique et la zoologie (en observant une nature assez différente de celle de la campagne sauvage, ainsi que les statues qui représentaient des animaux)
  • La géographie (la Corse et son statut par rapport à la France)
  • Le calcul (vérification de l’addition au café)

Cela paraît très ambitieux sans doute, mais il faut savoir que les jeunes enfants sont de véritables éponges (c’est d’ailleurs ce que Maria Montessori appelle l’esprit absorbant) et lorsqu’ils sont passionnés par quelque chose, rien ne les arrête.

Alors bien évidemment, tout cela a été rendu possible grâce à un gros effort de ma part. J’ai fait des études assez poussées, j’ai la chance de posséder une culture assez large et l’expérience fait que j’ai maintenant l’habitude de susciter des occasions d’apprentissage dans à peu près n’importe quelle circonstance. Et pourtant, je vous avoue que tout cela m’a épuisée ! J’aime que nous apprenions parfois différemment, j’aime aussi d’ailleurs les sorties où je ne rajoute rien, où je laisse simplement les enfants vivre leur expérience, mais je ne ferais pas cela au quotidien.

Lorsque je parle d’école à la maison, on me demande souvent si je suis enseignante de formation. J’ai bien enseigné dans le supérieur, mais rien qui soit vraiment adapté à des enfants de 0 à 7 ans ! Je trouve cependant que c’est là toute la beauté de la pédagogie de Maria MontessoriQue l’on ait fait de grandes études ou que l’on n’ait même pas son brevet, on peut apprendre énormément à son enfant, par l’intermédiaire du matériel pédagogique qu’elle a créé scientifiquement.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Un simple exemple : vous n’avez peut-être jamais bien compris la formule du binôme (a + b)= a3+ 3a2b + 3ab2+ b3mais votre enfant peut très bien, dès 3 ans, manipuler le cube du binôme et s’imprégner de ce résultat. Chaque pièce (cube ou parallélépipède), correspond à l’un des éléments de cette égalité remarquable. Et cela devient encore plus impressionnant avec le cube du trinôme, qui résume de façon géométrique l’égalité (a + b + c)3= a3+ b3+ c3+ 3a2b + 3ab2+ 3a2c + 3ac2+ 3b2c + 3bc+ 6abc.

Vous ne me croirez probablement pas, mais je vous assure qu’à force de manipuler très jeune (vers 3 ans, 3 ans et demi) ce puzzle en 3D, ce genre de développement mathématique devient naturel à l’enfant plus âgé… Et là encore, peu importe que vous n’ayez jamais rien compris aux maths, si vous êtes simplement capable de montrer à l’enfant comment défaire ce cube, en classant les pièces identiques ensemble, et comment ensuite le remonter dans l’ordre, vous aurez posé les bases de l’algèbre dans son cerveau.

En formation, j’ai rencontré une maman qui n’avait jamais eu le bac et dont le fils, éduqué à la maison avec la pédagogie Montessori, a fait de brillantes études mathématiques. Alors qu’il faisait sa thèse, il a tenté de lui expliquer son sujet de recherche (qui était incroyablement compliqué) et elle s’est sentie dépassée, jusqu’à ce qu’il lui explique que tout ça venait de ce qu’elle lui avait montré à tel moment dans son parcours Montessori. Elle-même n’avait pas vu ou pas compris ces notions derrière le matériel, mais lui, dont l’intelligence était particulièrement orientée vers les mathématiques, en avait tiré beaucoup plus, et cela avait inspiré jusqu’à son sujet de thèse !

Bref, au-delà du plaisir qu’il y a à partager son savoir avec ses enfants, il est bon de pouvoir s’appuyer au quotidien sur une pédagogie moins exigeante envers nous, les parents ! Je trouve cela particulièrement reposant de se concentrer sur les étapes concrètes d’une présentation, sur ce que chaque sens perçoit (les sons, les couleurs, les formes…) plutôt que sur l’abstraction, que l’enfant percevra petit à petit lui-même à force de s’entraîner.

De suivre une progression en se concentrant simplement sur les centres d’intérêt et les progrès de l’enfant, plutôt que de chercher dans l’environnement immédiat ce qui pourrait être prétexte à une leçon. Pour moi, la pédagogie Montessori est le juste équilibre entre l’éducation formelle et informelle : elle se concentre sur les besoins et le rythme propre de l’enfant, sans plaquer une progression arbitraire, mais elle offre un cadre et une structure rassurante, sur laquelle nous pouvons nous appuyer, nous les parents.

Je ne cherche pas à faire de prosélytisme, mais j’espère que cet éclairage vous aura permis de mieux comprendre comment nous profitons de l’IEF pour faire de belles sorties, prétextes à toutes sortes d’apprentissages informels, tout en ayant une base saine et solide grâce à Maria Montessori.

P.S. : La photo du château de Versailles qui illustre cet article a été prise par François, qui s’entraîne depuis peu à la photographie. Avec le respect de quelques règles simples (lanière toujours autour du cou, interdiction de courir avec l’appareil, on ne touche pas l’objectif…), il s’en sort et profite de chaque occasion pour s’améliorer (par exemple en prenant pour modèle son petit frère ou un champ de bataille avec des soldats en plastique). Vous pouvez retrouver cette photo, et d’autres prises par moi, sur notre tout nouveau compte Instagram. Si vous voulez avoir une idée de nos activités ou de nos journées, c’est l’endroit idéal pour nous suivre. J’espère vous retrouver là-bas !

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