Comment reconnaître du matériel Montessori 4/6 : L’auto-correction

Comment reconnaître du matériel Montessori 4/6 : l’auto-correction

Nous avons déjà abordé ensemble 3 critères sur 6 pour reconnaître du matériel réellement Montessori, une taille adaptée à l’enfant, l’isolation de la difficulté ainsi que la définition d’un matériel concret. Le quatrième critère pour reconnaître du matériel Montessori que nous allons aborder ensemble aujourd’hui est celui de l’auto-correction. Car oui, le matériel Montessori est ce que l’on appelle “auto-correctif”. Mais, qu’est-ce que cela signifie ? Tout simplement qu’à la fin d’une activité, l’enfant doit être capable de vérifier tout seul s’il s’est trompé ou non et de se corriger.

Avant de continuer, si vous préférez écouter le podcast de cet article, par exemple en faisant vos tâches ménagères ou pendant un trajet en voiture, je vous invite à cliquer sur le lecteur ci-dessous :

Le gros avantage est qu’ainsi, lorsque l’enfant commet une erreur, il n’est pas placé sous le regard extérieur de l’adulte. Il ne ressent pas de jugement et intègre donc plus facilement l’idée qu’un travail est un entraînement, que l’on fait des erreurs, que l’on cherche à les corriger et que l’on recommence sans cesse. Il n’y a pas d’apprentissage sans erreurs et il n’y a pas à se sentir frustré ou vexé si l’on commet une erreur.

C’est d’ailleurs très proche de la façon dont nous, adultes, nous continuons à apprendre tout au long de notre vie. Nous apprenons quelque chose de nouveau, nous faisons des essais, nous commettons des erreurs,  nous les corrigeons et le cycle recommence.

Je répète ainsi souvent aux enfants que s’ils ne faisaient jamais d’erreur dans leurs apprentissages, cela voudrait dire qu’ils n’apprennent rien… Le matériel doit être suffisamment stimulant pour eux, ce qui implique quelques erreurs en cours de route.

Par ailleurs, Maria Montessori aimait beaucoup répéter que le monde actuel n’est pas celui que nos enfants rencontreront lorsqu’ils auront grandi. Quel intérêt donc de les préparer au monde actuel alors que celui-ci aura radicalement changé ? Il est beaucoup plus intéressant de les préparer à apprendre seuls tout au long de leur vie, à aimer apprendre et à ne pas avoir peur de l’échec. Car avec notre monde qui change à une vitesse incroyable, il y a fort à parier que même s’ils font des études dans un certain domaine, ils doivent changer deux, trois, quatre fois de métier et apprendre sans cesse de nouvelles choses. Autant donc développer chez eux le goût de l’apprentissage.

Pour moi, cette idée de l’auto-correction est un aspect fondamental de la pédagogie Montessori, qui se manifeste de deux façons différentes à travers le matériel.

Le premier cas est celui d’une auto-correction physique et peut être illustré par les blocs de cylindres.

Les blocs de cylindres un matériel Montessori basé sur l'auto-correction

L’enfant est censé retirer de chaque bloc les 10 cylindres de taille différente qu’il comporte puis les replacer au bon endroit. Si l’enfant a commis une erreur, il se peut qu’il ne s’en rende pas compte tout de suite, par exemple s’il a placé un cylindre trop petit dans l’un des orifices.

Mais à la fin, il lui sera absolument impossible de placer le dernier cylindre qui lui restera : il sera trop gros pour son orifice. À ce moment-là, l’enfant a un cylindre qui lui reste en main et il peut s’auto-corriger pour réussir à le positionner. Il va donc apprendre quelque chose de nouveau. Peut-être qu’il ne verra pas tout de suite comment se corriger, qu’il va reposer le matériel et le reprendre un peu plus tard, sans se sentir vexé et sans ressentir de frustration vis-à-vis de ce matériel, parce qu’il n’y aura pas eu d’intervention de l’adulte.

C’est d’ailleurs ce qu’écrit Maria Montessori : « Si la leçon n’est pas assimilée par l’enfant, l’éducateur ne doit pas lui faire comprendre qu’il s’est trompé. Cela risquerait d’arrêter, et pour longtemps, cette mystérieuse impulsion à agir qui est à la base de tout progrès. »

Un enfant que l’on viendrait voir et à qui l’on dirait : “Non, ce n’est pas juste, il faut placer les cylindres comme cela” risquerait de reposer le matériel et de ne plus jamais le reprendre, ce qui serait fort dommage.

Comme le dit Maria Montessori : « Dans l’école traditionnelle, la correction de l’erreur est souvent humiliante et décourageante. Il n’est pas permis de copier, et l’on considère comme une faute d’aider un camarade plus faible. L’écolier qui aide son camarade en détresse est considéré comme coupable. Au même titre que celui qui accepte cette aide. Ce n’est pas ainsi que se forme la cohésion humaine. C’est imposer là une régression des valeurs morales. L’important n’est pas que l’enfant manipule bien le matériel, mais que celui-ci attire son attention. L’enfant se corrige lui-même en répétant l’exercice ou avec le contrôle d’erreur inhérent à notre matériel. Si l’éducateur intervient pour le corriger ou même le féliciter, il brise l’intérêt développé par l’enfant et anéantit l’enchantement de découvrir par soi-même. »

J’aimerais d’ailleurs partager avec vous une anecdote de mon enfance qui illustre parfaitement cette citation. J’ai eu la chance, durant mon primaire, de me retrouver dans des classes Montessori. Et je me souviens parfaitement qu’un jour où je devais travailler sur les articles définis, à partir d’une petite fiche, je ne comprenais pas dans quels cas il fallait écrire “le” ou “la” et dans quels cas il fallait écrire “l’ ”. Je suis allée chercher la fiche d’auto-correction et j’ai alors compris la règle associée. Je n’ai gardé que les bonnes réponses dans mon cahier, et je me suis auto-évaluée d’une gommette verte, avec le sentiment profond d’avoir triché.

En soi, il n’y avait pourtant pas de triche, mais seulement un apprentissage. J’avais besoin de la correction pour comprendre la règle. La tromperie venait de ce que je m’étais mis une gommette verte sur mon plan de travail et c’est là que l’on voit l’effet parfois pervers des notations, évaluations etc. S’il n’y avait pas eu cette histoire de gommettes, ou si l’on m’avait expliqué que ces gommettes avaient simplement pour but de voir où j’en étais, je me serais mis une gommette orange ou rouge et je n’aurais pas ressenti cette honte qui m’a marquée jusqu’à aujourd’hui.

Mais entre autres par la pression familiale, l’idée de ne pas avoir que des gommettes vertes sur mon plan de travail me stressait déjà à l’âge de 7 ans.

C’est donc le premier système d’auto-correction, physique ou mécanique.

Mais, il arrive, dans le matériel sensoriel Montessori en particulier, qu’il n’y ait pas ce type d’auto-correction, que l’auto-correction doive venir de l’intérieur de l’enfant. Il existe par exemple dans le matériel Montessori une boîte des couleurs pour laquelle il faut trier les couleurs en dégradé, en les plaçant par exemple du vert le plus clair au vert le plus foncé.

Les boites de couleurs Montessori sont des matériels n'ayant pas de système d'auto-correction

Certaines tablettes ont des teintes très proches, c’est d’ailleurs tout le but de l’exercice que d’affiner la perception du regard. Il est donc difficile de les distinguer, même pour un regard adulte.

Donc si l’enfant fait un dégradé et commet une erreur, il est possible que vous, adulte, avec votre vue plus perfectionnée et plus raffinée, vous rendiez compte de l’erreur et pas lui. S’il a interverti des tablettes, s’il ne les distingue pas, cela veut dire que son regard n’est pas encore prêt à les distinguer et qu’il doit encore s’entraîner.

Il ne sert donc à rien de le corriger.

Imaginez que je vous présente deux tablettes qui vous semblent rigoureusement identiques et que je vous dise que l’une est plus foncée que l’autre. Premièrement vous pourriez ne pas croire qu’il existe une différence : ces deux tablettes n’en présentent aucune pour vous ! Deuxièmement, vous pourriez vous demander si je n’essaie pas de vous tromper, si je n’essaie pas de vous persuader de quelque chose de faux. Je pourrais aussi bien vous indiquer l’autre tablette et vous dire qu’elle est plus foncée, cela créerait une fausse impression dans votre esprit et vous risqueriez de voir une couleur plus foncée là où il n’y en a pas. C’est un fait : notre cerveau est facilement influençable.

Avec un peu de force de persuasion, je pourrais vous faire croire tout et son contraire. Mais est-ce la crédulité que l’on cherche à encourager chez nos enfants ? Il ne s’agit pas de jouer sur la persuasion, mais sur l’éducation. On cherche simplement à ce que l’enfant affine son regard, affine ses sens. Dans un cas comme celui-ci, l’auto-correction doit donc venir de lui-même.

Maria Montessori le dit bien mieux que moi : « Le contrôle matériel de l’erreur amène l’enfant à accompagner ses exercices d’un raisonnement ; son sens critique et son attention sont toujours plus tendus vers l’exactitude, avec un affinement qui lui permet de distinguer les différences les plus infimes ; la conscience de l’enfant est ainsi préparée à contrôler ses erreurs, même quand ce ne sont plus des erreurs matérielles. »

Lorsque l’enfant sera prêt à distinguer toutes les couleurs et tous les degrés dans ces couleurs, il les distinguera, ce ne sera pas un souci.

Tout le matériel Montessori fonctionne donc de cette façon, en auto-correction.

Je vais vous donner un dernier exemple : les dictées muettes.

Dans les dictées muettes, l’enfant a des petites pochettes, souvent sur un thème phonétique, par exemple, telle dictée porte sur le son “k” écrit “qu” avec des mots comme pique, quatre, masque, brique etc.

L’enfant commence par disposer les neuf images sur son tapis de travail. Puis il place en-dessous de chaque image l’étiquette correspondante (c’est un travail de lecture). C’est l’occasion pour lui de découvrir l’écriture de ces mots, qui n’est pas phonétique à cause de ce son “k” écrit “qu”.

Puis il retourne toutes ces étiquettes face cachée, compose chaque mot à l’aide d’un alphabet mobile, avant de retourner l’étiquette correspondante pour se contrôler.

Là encore, si l’enfant s’est trompé, ce n’est pas grave, la correction est immédiate. On ne cherche pas à le mettre en échec (c’est l’isolation de la difficulté) mais à l’inverse on ne doit pas non plus avoir peur de l’échec. Il s’agit d’un exercice, pas d’une évaluation. Par exemple, si l’enfant s’est trompé et qu’il a écrit le mot “pique” “p-i-c”, il pourra se rendre compte tout seul que ce n’est pas comme cela que ça s’écrit. Il se corrigera et la prochaine fois, il y a fort à parier qu’il ne refasse plus cette erreur.

Faites donc très attention lorsque vous achetez du matériel Montessori à toujours vérifier qu’il y a bien un système d’auto-correction, ou bien inclus dans le matériel (comme pour les blocs de cylindres ou les dictées muettes), ou bien, s’il s’agit d’un matériel purement sensoriel, assurez-vous que l’enfant puisse de lui-même, de l’intérieur, s’auto-corriger. Et surtout ne venez pas le corriger : cela ne sert à rien, c’est même contre-productif.

Vous n’êtes pas en train de lui faire passer un test ou un examen, vous êtes simplement en train de lui proposer un entraînement afin qu’il développe toutes ses capacités.

Je citerai Maria Montessori une dernière fois : « Le matériel se substitue à l’enseignement verbal de l’éducateur. Il révèle l’erreur à l’enfant qui l’utilise et permet ainsi l’auto-éducation. Par l’usage quotidien de ce matériel, l’enfant devient plus sûr de lui. Il prend conscience de ses possibilités. Il pourrait dire “Je ne suis pas parfait, je ne suis pas puissant mais je sais faire cela. Je connais ma force. Et je sais aussi que je peux me tromper et me corriger. Alors, je connais mon chemin”. »

Sur ces belles paroles, rendez-vous dans notre prochain article pour découvrir le 5ᵉ critère qui permet de reconnaître un matériel Montessori : des matériaux de qualité.

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