FAUT-IL DIRE NON A SON ENFANT ?
Comment dire non à des tout-petits ? C’est souvent difficile à comprendre pour eux et ça a souvent l’effet contraire. On dirait qu’ils veulent nous taquiner et voir notre réaction. Comment leur faire comprendre que certaines choses sont interdites ? On peut aussi se demander comment cela se passe quand on applique une éducation positive. Vous avez d’ailleurs sûrement entendu un peu partout des conseils « d’éducation bienveillante » qui vous recommandent de ne surtout pas dire non à votre enfant, mais d’utiliser par exemple « stop » à la place. Des parents se demandent également s’il y a une façon Montessori de dire non à son enfant tandis que certains prétendent que cette pédagogie, on ne dit jamais non à un enfant, car il est libre ! Alors que faut-il faire ? L’astuce de dire stop au lieu de non est-elle fidèle à l’esprit de Maria Montessori ? Faut-il finalement dire « non », « stop » ou autre chose ? Dans cet article, je vais vous expliquer ce qui est le plus important, pourquoi il est essentiel d’apprendre à dire non et dans quels cas il peut être pertinent de dire stop.
Avant de continuer si vous préférez écouter le podcast de cet article ; par exemple en faisant vos tâches ménagères ou pendant un trajet en voiture, je vous invite à cliquer sur le lecteur ci-dessous :
D’où vient l’astuce de dire non au lieu de stop ?
Avant toute chose, je voudrais vous expliquer l’origine de cette fameuse astuce qui vise à remplacer « non » par « stop ». C’est un conseil issu du livre d’Isabelle Filliozat « J’ai tout essayé ». Elle écrit dans ce livre « Préférez dire “STOP”, un mot bien plus efficace et non ambigu. Quand vous dites NON, c’est souvent sur un ton de reproche et en fronçant les sourcils, tandis qu’en disant STOP, vous ouvrez les yeux et votre ton est impératif sans être blâmant, vous interrompez un mouvement. Le plus souvent, les enfants de cet âge cherchent le regard, l’autorisation du parent, avant de toucher un nouvel objet. C’est le moment de dire stop, puis d’expliquer en mettant des mots simples sur l’interdit, sans vous attendre pour autant à ce qu’il mémorise tout ! »

Et c’est à partir de cette citation (quelques lignes sur plus de 200 pages !) que les blogueurs se sont emparés de cette astuce. Mais pourquoi ? Car ça fait un joli post Facebook, une jolie publication Instagram. On peut alors voir des mamans danser sur Instagram en s’adressant à vous d’un air complice : « Ne dites pas non à votre enfant, dites-lui plutôt stop ». Certes, ça tient en 15 secondes, c’est une astuce et c’est facile. Au fond, nous sommes tous demandeurs de ces petits trucs miracles qui permettraient de résoudre toutes nos difficultés de parentalité et bien évidemment, les créateurs de contenus répondent à cette demande. Les blogueurs et instagrammeurs savent très bien que s’ils écrivent de très longs articles, la plupart des gens n’iront pas au bout. Alors qu’avec une simple astuce, ils attireront beaucoup plus de monde. Leurs publications seront partagées des milliers de fois, car une majorité de gens préfère la facilité et cela crée un cercle vicieux. Quelque part, nous sommes tous un peu coupables que des propos plus nuancés se retrouvent sous la forme d’astuces simplifiées. Mais réduire la citation d’Isabelle Filliozat à un conseil simpliste sans chercher à en comprendre le fond dénature sa pensée. Il faudrait lire le livre en entier mais au fond, elle dit que ce n’est pas le mot qui compte, c’est le ton et l’expression du visage. Les fameuses astuces n’en parlent jamais, mais c’est ça le plus important !
Quand faut-il dire non ou stop ?
Il existe deux contextes différents dans lesquels on dit non : un contexte calme et serein en prévention, ou alors pendant un danger immédiat.
Dans le premier cas, en étant calme et serein, on pourrait dire non aussi paisiblement que l’on dirait stop. Stop signifie littéralement « Arrête de faire ce que tu fais » tandis que non signifie « ne fais pas ce que tu t’apprêtes à faire ». Au fond, c’est la même signification. Si nous sommes capables de dire non sereinement, pour l’enfant cela ne fait donc aucune différence de dire stop. Si l’expression du visage est tout aussi détendue avec l’un ou l’autre des deux mots, alors c’est indifférent.
Dans le deuxième cas, s’il y a danger, ce n’est pas le sens du mot qui compte. Nous lançons une exclamation dans le seul but d’arrêter l’enfant en urgence, de l’interrompre. « NON ! N’avance pas sur la route. NON ! Ne mets pas ta main sur la casserole brûlante. NON ! Ne te jette pas du haut du canapé ! » Au passage, si vous n’avez jamais eu d’enfants cascadeurs, mesurez bien votre chance… Certains sont particulièrement acrobates et nécessitent une surveillance de tous les instants. Dans ce type de situation, que l’on dise non ou stop, le but est de déclencher une réaction de peur chez l’enfant pour le paralyser, le figer et qu’il n’aille pas au bout de son action, car cela le mettrait en danger. Notre 1re responsabilité en tant que parent c’est effectivement de maintenir nos enfants en sécurité.
Vous avez peut-être entendu parler des fameuses réactions « combat ou fuite ». C’est une réaction neurologique instinctive. En situation de danger, le cerveau fait un choix entre le combat et la fuite, affronter la difficulté ou l’éviter. Il existe un 3e type de réaction : se figer le temps de prendre l’une des deux premières décisions.
Ce que l’on veut provoquer par notre exclamation, c’est justement que l’enfant se fige, juste le temps qu’on puisse le rejoindre et le mettre en sécurité. Donc peu importe que l’on utilise non ou stop pour cela, c’est l’intonation qui compte. C’est le cri et la panique dans notre voix qui vont transmettre l’émotion de peur à l’enfant et lui faire comprendre qu’il y a danger. Honnêtement, on pourrait dire « CAROTTE ! » que cela aurait autant d’effet, à condition bien sûr d’utiliser la même intonation et la même panique.
Pour résumer, dans les deux cas, c’est principalement l’expression du visage ou le ton qui importent et non le mot employé.
Pourquoi les parents ne disent-ils plus non ?
Puisque le mot « non » en lui-même n’est pas aussi important que l’expression et la tonalité, pourquoi n’est-il plus utilisé ? Je trouve qu’il y a vraiment un mouvement de fond pour tous les parents qui s’intéressent à l’éducation positive et à la parentalité bienveillante et qui pousse à ne plus dire non. À ce propos, je vous renvoie vers un article très psychanalytique, mais intéressant concernant la toute-puissance de l’enfant.
Ce qu’il faut voir c’est que, quand le parent a des comptes à régler avec ses propres parents, qu’il a mal vécu certaines choses dans son enfance, devenu adulte il va vouloir adopter un comportement différent avec son enfant. Après avoir vécu un mode de parentalité un peu extrême (dans le laxisme ou l’autoritarisme), un adulte adopte souvent un mode de parentalité un peu extrême aussi, mais dans l’autre sens. Il faut bien le reconnaître, à quelques exceptions près, notre génération (adultes ayant la trentaine) a généralement connu des parents plutôt autoritaires. Forcément, aujourd’hui, le rapport s’est inversé et cela donne une majorité de parents plus laxistes. Il est donc assez naturel que face à des grands-parents qui disaient tout le temps non, les parents actuels n’osent plus ou ne veuillent plus dire non.
Qu’est-ce que l’on projette sur l’enfant en refusant de lui dire non ?
Comme parent, on voudrait que notre enfant soit tout le temps heureux, car on voudrait nous-mêmes avoir été tout le temps heureux pendant notre enfance. On aimerait qu’il puisse tout faire, que sa liberté soit absolue et sans aucune contrainte, car nous-mêmes avons vécu de la contrainte. On souhaiterait que tout lui soit facile et sans contrariété puisque c’est l’inverse de ce que nous avons vécu.
Mais est-ce réellement sain ? Personne n’est heureux en permanence, ce n’est pas possible. Nous avons tous des moments de tristesse ou de frustration, enfants comme adultes. Ce n’est donc pas réaliste d’envisager que notre enfant soit toujours heureux. Ce n’est pas forcément bien le préparer à la vie que d’éviter toutes les sources de mécontentement possible. Cela ne l’aide pas à se construire.
Ce serait comme marcher devant un enfant en retirant tous les cailloux et en aplanissant le chemin avec une pelle pour lui. On s’arrangerait ainsi pour que notre enfant avance dans la vie sans aucune difficulté. Mais ce n’est pas comme ça qu’on apprend à marcher à un enfant ! Au début, on l’encourage à évoluer dans un endroit stable, sur un chemin facile, mais ensuite, on le laisse progressivement avancer sur des terrains plus difficiles, des sentiers caillouteux ou monter des escaliers. Tout cela se fait bien sûr avec notre soutien permanent et notre présence sécurisante, mais on ne retire pas les obstacles. Au contraire, on permet à l’enfant de se confronter à un niveau d’obstacle sans cesse supérieur qu’il est prêt à affronter.

C’est comme dans la pédagogie Montessori, l’enfant progresse en travaillant une difficulté à la fois. Il ne s’agit pas d’endurcir notre enfant, de le préparer à la dure réalité. Mais notre objectif est de préparer, de soutenir, d’aider notre enfant à atteindre ses objectifs en se confrontant à des obstacles. Cela veut dire aussi que parfois, il faut accepter de lui dire non, car il ne peut pas être heureux et vivre dans la facilité tout le temps.
Ce que Maria Montessori voulait proposer dans sa pédagogie c’était réellement ça, de préparer l’enfant à la vie : et non pas qu’il puisse perpétuellement tout faire et être heureux sans contrainte. Le but est au contraire de découvrir progressivement que malgré les frustrations ou les limites, il est possible de se développer, grandir et accomplir de grandes choses.
Les dangers à ne plus dire non
Dire non pour ne pas surcharger l’enfant de responsabilités
Après tout, vous vous dites peut-être que ce n’est pas si grave de ne pas vouloir dire non et que si cela peut engendrer des enfants plus heureux, tant mieux. Nous avons tellement souffert des non dans notre enfance, pourquoi ne pas laisser la chance à notre progéniture de ne pas en entendre autant ? Face à ce point de vue, j’aimerais vous avertir des dangers qu’il y existe à ne plus dire non.
J’ai une amie directrice d’école Montessori et qui a dans son établissement une petite fille de 3 ans et demi en opposition permanente à tous les adultes. Elle m’a dit se trouver vraiment démunie face à elle. Elle refuse par exemple de mettre un manteau quand il fait 3 degrés dehors et incite les autres enfants à suivre son exemple en disant « De toute façon, à la maison, c’est moi qui décide ! ». Elle semble narguer les autres en disant ce genre de choses. Vous le savez peut-être, mais je suis pour l’idée de laisser les enfants expérimenter les conséquences naturelles de leurs actes, comme le fait de laisser un enfant sortir sans manteau s’il le souhaite. Mais pas à 3 ans et demi, surtout quand il est susceptible de mettre les autres en danger. À cet âge, un enfant n’est pas forcément capable de se rendre compte de la fraîcheur et peut se refroidir vite. Il y a aussi une différence de maturité entre un enfant de 3 ans et demi et un enfant de 5 ou 6 ans. En fait, cette fillette est avant tout perdue et crie à l’aide au fond d’elle !
Imaginez le poids de la responsabilité pour une enfant de 3 ans, qui décide de tout à la maison. Si quelque chose se passe mal, c’est donc de sa faute, car c’est elle qui a pris la décision. Dans une famille classique, l’enfant demande quelque chose et les adultes disent oui ou non. S’ils disent oui et que ça se passe mal, c’est devenu leur responsabilité, ce sont eux les adultes. S’ils disent non, c’est qu’ils ont pris leurs responsabilités et qu’ils ont estimé que ce n’était pas une sage décision ou prudente. Dans tous les cas, l’enfant est déchargé de toute responsabilité. À l’inverse, pour cette petite fille, toute la responsabilité se porte sur ses épaules puisqu’elle prend toutes les décisions. Mais à cet âge, elle n’est pas prête à cela, car elle n’est ni l’adulte éducateur à la maison ni le responsable adulte à l’école. C’est donc essentiel pour les parents de prendre leurs responsabilités pour ne pas laisser ce poids énorme sur leurs enfants. Ils doivent pouvoir exercer leur liberté, mais toujours dans un cadre.
Apprendre à dire non avec bienveillance pour éviter de déséquilibrer l’enfant
Pour mieux comprendre tout ceci, je vous renvoie une nouvelle fois vers l’article psychanalytique cité plus haut. Vous y trouverez des réflexions très intéressantes sur la façon dont l’enfant grandit.
Il est censé grandir en autonomie et en indépendance, mais comment fait-il ? Cela s’opère en communiquant avec un adulte en face qui lui renvoie une altérité, c’est-à-dire une personne avec d’autres opinions, des émotions différentes, un autre mode de pensée. Petit à petit l’enfant n’est plus concentré exclusivement sur lui-même et découvre l’autre. Pour cela, il y aura notamment l’introduction d’objets transitionnels (comme des doudous) pour apprendre à se séparer des adultes et notamment de ses parents. La place du rêve est aussi importante. Il permet à l’enfant de se projeter, d’imaginer différentes choses grâce à l’altérité que lui renvoie l’adulte en face de lui, et qui lui ouvre d’autres portes.
À l’inverse, quand l’adulte ne fait qu’agir en miroir, l’enfant ne peut plus grandir normalement. L’adulte qui se lamente avec l’enfant qui est triste ou qui va toujours dans son sens pour toutes ses prises de décision l’empêche de se développer correctement. Tout ce que l’enfant a en face de lui, c’est un miroir et il n’y a aucune interaction intéressante avec un miroir. C’est la différence qui est stimulante, tant sur le plan intellectuel que émotionnel. L’altérité ouvre la porte à d’autres émotions, à l’empathie.

Ces enfants qui, au contraire, n’ont qu’un miroir en face d’eux sont sujets à l’angoisse, à une forme de dépression et à de la culpabilité à cause de décisions trop lourdes de conséquences pour eux.
Pourquoi veut-on ou ne veut-on pas dire non à notre enfant ?
Ce portrait est assez noir mais je crois tout de même qu’il y a une grosse réflexion à mener chez le parent : fait-il cela pour son enfant ou pour lui-même, pour guérir ses propres blessures d’enfance ou compenser quelque chose ? De la même manière, lorsqu’on pratique un allaitement long pour qui le fait-on ? Il est important de s’interroger en toute honnêteté. Est-ce pour le respect du rythme de l’enfant, de ses souhaits, de son bien-être (ce qui est très bien) ? Ou est-ce parce que nous avons souffert d’une séparation avec notre maman, d’un allaitement écourté ? J’espère ne pas vous choquer avec ce questionnement et être suffisamment nuancée pour que vous compreniez le fond de ma pensée.
En somme, est-ce par peur de reproduire un schéma que nous avons mal vécu ? Je ne cherche pas là à donner une prescription quant à l’allaitement ou le non-allaitement, il s’agit d’un exemple.
Je vous invite simplement en tant que parent à réfléchir sur les raisons qui vous poussent à dire ou ne pas dire non à votre enfant. Est-ce vraiment pour lui, pour son bien-être ? Si oui, alors c’est formidable. Mais si c’est pour vous, pour guérir vos propres blessures d’enfance, c’est beaucoup moins louable car c’est lui imposer un système qui ne le rendra pas forcément heureux. Entrez en introspection et réfléchissez bien. Si vous avez des blessures à avoir entendu trop de non, c’est compréhensible de vouloir les réparer, mais l’éducation de votre enfant n’est pas le terrain idéal pour cela. Il faut mener notre propre chemin de guérison sans impliquer notre enfant dedans. Cela permettra aussi de mieux prendre soin de lui.
De manière générale, il faut s’interroger pour savoir si nous cherchons à respecter le rythme de l’enfant et sa liberté, sans que ce soit au détriment de celle des autres et de leurs souhaits. L’enfant ne doit pas nécessairement passer avant tout le monde. Il faut trouver un équilibre et le faire sans cesse évoluer. Par exemple, il est normal de satisfaire tous les besoins d’un nourrisson et de le faire passer en priorité avant nous. En revanche, il n’est pas normal de se plier à tous les désirs d’un enfant de 3 ans. À cet âge, on peut attendre au moins un petit peu, on est capable de comprendre qu’il y a des règles, des choses autorisées ou non.
Comment faire concrètement pour poser des limites ?
Comment faire concrètement pour proposer un équilibre entre autorité et laxisme ? Forcément, par rapport à la génération précédente qui disait non à tout, nous avons une réaction et il va y avoir tout un équilibre à trouver. Il ne faut pas trop de non pour que l’enfant puisse se développer, mais il en faut quand même pour qu’il puisse justement se développer sereinement, en sécurité.
Cet équilibre à trouver est le même que celui auquel je fais référence dans un article à propos de la discipline positive et de l’éducation bienveillante. Avec la discipline positive, il faut trouver le juste milieu entre l’amour et la responsabilité à donner. On a tous besoin d’appartenir à un groupe, d’être aimé et d’avoir de l’importance, autrement dit avoir des responsabilités. Pendant des décennies, on donnait trop de responsabilités à l’enfant, trop de consignes à respecter, trop de non. Puis on a basculé vers trop d’amour en plaçant l’enfant au centre de toutes les préoccupations et cela à l’excès. Pendant une période, il n’y a plus eu de non du tout. Puis à nouveau, un équilibre.

Si on remonte à la génération de nos parents, qui sont peut-être issus de mai 1968 avec le fameux slogan « Il est interdit d’interdire », ils n’ont sans doute pas eu assez de non. Paradoxalement, certains se sont transformés en parents assez autoritaires. Notre objectif est donc de ne pas faire un retour de balancier total, mais plutôt de trouver un équilibre.
Savoir dire non sans faire honte à l’enfant
Il y a des circonstances dans lesquelles les choses sont claires et cela rejoint l’approche montessorienne. Lorsqu’il y a un danger (pour les autres, pour l’enfant, ou pour son environnement), le mieux est d’employer un simple « Non ! » immédiat. Ce n’est pas un gros mot que de dire non, car il peut être à la fois ferme et respectueux. On ne cherche pas à faire honte à l’enfant. Cela fait longtemps que dans notre société on essaie de faire changer les gens de comportement en leur faisant honte. Si vous êtes convaincu de cela, je vous invite à découvrir les travaux de Brené Brown. Des études montrent qu’au contraire, la honte braque les gens et ils s’enfoncent alors justement dans leur comportement.
La honte n’est pas un outil de changement social et nous n’allons pas l’imposer à notre enfant. Les non formulés dans des phrases du type « Non, ne fais pas ça, mais enfin qu’est-ce que tu peux être bête ! » sont irrespectueux et méprisants, ils font mal.
En revanche, si l’enfant s’apprête à taper quelqu’un, c’est autre chose. Dans un environnement Montessori, si un enfant se saisit d’une barre rouge (qui est un matériel fait de barres en bois allant jusqu’à 1 mètre) pour menacer, on va lui dire non tout de suite. Nous allons l’arrêter, car il y a des limites à poser. Si, sous prétexte de laisser de la liberté à cet enfant ou de ne pas commettre une violence éducative ordinaire, nous n’arrêtons pas son geste, nous commettons une vraie violence envers la victime qui va se faire frapper. Il est donc important de poser des limites claires dans des cas de danger immédiat en disant non de manière ferme et respectueuse à la fois.
Imposer des limites en cas de danger et répéter le non
Par ailleurs, le non est important quand il n’est pas possible d’avoir un contrôle naturel de l’erreur par l’environnement. Je m’explique. Un enfant de 5 ans qui sort sans manteau a une perception de lui-même et se rend compte qu’il fait froid. À l’inverse, un enfant de 2 ans peut devenir tout bleu avant de faire le lien et d’avoir l’idée d’enfiler quelque chose de chaud. Il n’est donc pas question de le laisser faire, ce serait le mettre en danger. L’apprentissage par les conséquences naturelles de nos actes n’est donc pas toujours possible, surtout à cet âge. Il faut alors dire non tout de suite. C’est à nous d’imposer un non, encore une fois ferme, mais serein.
Si vous parlez anglais, je vous renvoie à un podcast sur ce thème entre Jessy McCarthy et Claudia Alvarez, deux éducateurs Montessori. Vous pourrez notamment y entendre le point de vue de Claudia Alavarez qui a 25 ans d’expérience et qui vous confirmera mes dires. Elle explique comment on peut mettre en pratique ce non et comment elle le fait dans sa salle de classe avec des petits de moins de 3 ans. Elle le dit, en début d’année, on dit non tout le temps en attendant que les règles soient intégrées.
Et puis, quand un non a déjà été posé sur un comportement et qu’un enfant le reproduit quelques jours plus tard, elle hoche simplement la tête. Le non a été donné auparavant, donc l’enfant sait très bien que ce comportement n’est pas autorisé et c’est simplement une petite piqûre de rappel. Puis au bout d’un moment, il n’y a plus besoin de dire non. Je vous invite d’ailleurs à vous rendre sur sa page Instagram pour voir les résultats de son travail, vous la trouverez sur le compte @montessoritoddler. Ces enfants de 18 mois, 2 ans ou 3 ans sont très calmes et ordonnés. Pour y parvenir, des limites sont instaurées et beaucoup de non sont répétés au départ.
Avoir le bon ton pour dire non
Ce qu’il faut voir aussi, c’est qu’on ne peut pas utiliser le non de manière ferme pour des comportements inadmissibles et en même temps l’utiliser en souriant. Par exemple, si vous prenez une voix attendrie en disant « Non non non, oh non mon bébé ! », vous faites perdre de la puissance à ce mot. L’enfant ne va plus comprendre. On lui dit non, donc il est censé stopper son action, mais en même temps on lui parle en souriant avec une voix douce. Le message devient ambigu.
Pour mieux illustrer cela, je vais vous raconter une anecdote. Dans ma belle-famille, quand mes enfants faisaient des petites bêtises ou cherchaient l’attention, les adultes avaient l’habitude d’appeler cela des « bêtises de coquin », ce qui était très bien. Sauf qu’un jour, un de mes enfants s’est approché d’une prise électrique pour jouer avec et quelqu’un s’est mis à dire « Oh là là, tu fais une bêtise de coquin ! » avec un ton amusé. Là, ce n’est pas une bêtise involontaire ou quelque chose qu’on fait tomber par accident, c’est dangereux et la situation demande un non ferme.
Soit on utilise le non en ajoutant que c’est dangereux ou bien on peut joindre une explication du type « Non, la chaise est faite pour s’asseoir » (dans le cas où un enfant joue à se mettre debout sur une chaise) et on peut le dire en étant très calme.
Éviter que le non ne fasse rire
Parfois quand on dit non, les enfants rient et on l’impression qu’ils font ça pour nous faire réagir. Il y a deux explications à cela.

D’abord, notre réaction peut être excessive et ça peut faire rire les enfants de nous voir nous mettre dans tous nos états. Si nous réussissons à nous maîtriser davantage et à avoir une réaction presque impassible en disant non, forcément les enfants ne vont pas y trouver une source d’amusement.
Ce qui peut aussi provoquer le rire, c’est que nous avons tendance à ne pas faire respecter le non. C’est ce qui arrive quand l’enfant repousse les limites et continue ce qu’il fait malgré le non d’un adulte. Il faudra donc retirer à l’enfant la source de ce qu’il fait.
Si notre enfant veut taper un chat (je prends cet exemple car nous avons deux chats à la maison et de jeunes enfants), nous allons arrêter sa main. Je suis désolée pour ceux qui considèrent que c’est une violence éducative ordinaire, mais ce serait une violence tout court que de le laisser frapper un animal. Après avoir stoppé le geste, on incite l’animal à partir ou bien on emmène l’enfant vers une autre activité.
De la même façon, quand l’enfant tape un objet sur le sol et risque de le casser ou d’abîmer un meuble, il faut le lui retirer des mains. Souvent, on hésite à ce moment-là car l’enfant est susceptible de pleurer et en tant qu’adulte, nous avons du mal à supporter sa frustration. C’est pourtant indispensable de le laisser expérimenter ce sentiment (tout en l’accompagnement bien sûr) pour qu’il comprenne que certains comportements sont inacceptables.
On ne peut pas les tolérer sous prétexte de lui éviter une émotion désagréable.
Montrer à l’enfant qu’il a le droit de dire non
Évidemment, tout ce que je vous ai expliqué jusqu’ici ne peut pas se résumer en une simple astuce. C’est un équilibre à trouver et ce ne sera pas le même avec un bébé, un bambin, un jeune enfant entre 3 et 6 ans, un grand enfant de 6 à 12 ans ou un adolescent ! Il faudra sans cesse faire évoluer l’équilibre entre bienveillance et fermeté.
J’ajouterais enfin que notre capacité à dire non face à des comportements intolérables est essentielle. Cela montre à notre enfant que lui aussi a le droit de dire non. Nous lui servons de modèle et si nous parvenons à lui faire respecter nos propres limites, nous lui apprenons à faire respecter les siennes. Aujourd’hui nous avons du mal à développer la culture du consentement et à faire comprendre à certaines personnes ce que veut dire un non. Si nous ne montrons pas à notre enfant comment dire non et comment faire respecter ce mot, comment voulez-vous qu’il soit capable de le dire lui-même plus tard et de faire respecter les limites de son corps ou de sa psyché ? C’est une manière de se protéger des agressions. Combien de personnes cherchent tellement à faire plaisir aux autres qu’elles sont incapables de dire non et se retrouvent en burn-out au travail ?
Peut-être que nous pouvons offrir quelque chose de meilleur à notre enfant en lui montrant qu’on peut dire non et faire respecter cela. Évidemment, cela viendra petit à petit jusqu’à ce que l’enfant soit suffisamment grand pour prendre toutes les décisions lui-même et qu’il puisse imposer ses propres non. Nous servirons de modèle pendant toute cette période de transition et d’apprentissage.
Se faire accompagner dans sa parentalité
J’espère que tous ces conseils vous auront guidé pour comprendre l’importance de dire non à votre enfant et savoir dans quelles circonstances l’employer. Si vous souhaitez obtenir des conseils supplémentaires et avoir l’occasion de discuter avec d’autres parents sur ce genre de sujet, je vous invite à rejoindre notre Accompagnement à la Parentalité et à l’IEF Montessori. Vous pourrez ainsi faire connaissance avec moi-même et d’autres familles pour évoquer ensemble nos problématiques, trouver des solutions et obtenir un regard extérieur sur le quotidien des uns et des autres. Que vous pratiquiez ou non la pédagogie Montessori à la maison, cet accompagnement vise avant tout à vous apporter un soutien dans votre parentalité, il est donc adapté et ouvert à tous.

Magnifique!!Beaucoup de parents pensent faire bien et malheureusement ne se rendent pas compte du mal qu’ils font à leurs enfants sur le long terme. C’est vrai que les publications sur FACEBOOK sont très souvent prises hors du contexte, ça ramasse beaucoup de « like » mais les suivre aveuglement sans lire et approfondir ses connaissances peut être contreproductif.
Très intéressant en effet! J’avoue qu’en lisant le titre j’ai pensé que ça ne me concernait pas. Mais j’apprécie le soin que vous mettez à traiter chaque sujet avec nuance et précision. Ce qui fait que j’en tire toujours un enrichissement et je vous remercie pour cela.
Bonne continuation !
* petite précision: j’écoute le podcast sur deezer, et il n’y a pas, je crois, d’espace de commentaire. Mais je peux toutefois partager, et je le fais sans hésiter!
Merci à vous pour vos si beaux compliments et de partager le podcast à votre entourage.
MERCI….