Écoutez votre colère plutôt que de chercher à la maîtriser

Écoutez votre colère plutôt que de chercher à la maîtriser

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Lorsqu’on est maman, il arrive toujours un moment où l’on se met en colère. Quand le petit dernier a repeint les murs du salon avec ses feutres, quand après une journée épuisante passée en famille dans un parc d’attractions, les enfants se mettent à chouiner ou à hurler, quand au retour du travail on retrouve une chambre en bazar, des jouets partout dans le salon et des traces de boue dans toutes les pièces. Un moment où, soyons honnêtes, pendant un quart de seconde, on ne supporte plus ses enfants, où on a l’impression de ne pas être respectée, considérée, où l’on voudrait être ailleurs…

 

Et on sent cette colère monter, elle vient du ventre, elle enserre le coeur, les mains se crispent, on en tremble presque, on ne voit aucune solution, aucune autre issue que de crier et de s’énerver, de rage et d’impuissance. Parfois, on ne parvient même pas à retenir la main qui distribue claque ou fessée…

Un peu plus tard, on s’en veut, on se déteste, on se dit que ce n’est pas comme ça que l’on veut élever ses enfants, que l’on est pourtant heureuse d’être mère, que ces enfants sont des trésors, des cadeaux et que tout ce dont on rêve, c’est d’avoir des relations apaisées dans notre famille.

Alors on cherche des trucs, des astuces pour gérer, contrôler, maîtriser sa colère. On essaie tous les moyens pour se calmer, pour rester zen, pour garder son sang-froid, pour réfréner cette pulsion malsaine. On lit des livres d’éducation bienveillante (merci Isabelle Filliozat!), on essaie de se maîtriser… et bien évidemment, on craque. Et si, plutôt que de la confiner, la solution était plutôt d’écouter ce que la colère a à nous dire ?

Car la colère, loin d’être une chose abominable dont il faudrait à tout prix se débarrasser, est en fait précieuse !

Précieuse ? Allons, et puis quoi encore, tout le monde sait bien que la colère est mauvaise conseillère, que la colère détruit les relations familiales, qu’elle fait du mal à la psyché des enfants etc. ! Mais est-ce vraiment le cas ?…

Si vous n’avez pas encore vu le film Vice-Versa, je vous le recommande vivement, et avec vos enfants ! C’est un dessin animé remarquable dans lequel toutes les émotions sont personnifiées. On plonge dans le cerveau d’une petite fille, Riley, dont la famille déménage et qui perd ses amies et ses habitudes. Complètement désemparée, cette petite fille très joyeuse devient triste, en colère et ne retrouve plus ses repères.

Dans son cerveau, on voit Joie, qui dirigeait les opérations jusque là, chercher désespérément à éloigner Tristesse de la console de commandes. Mais ce n’est qu’à la fin du film que l’on comprend que Tristesse a un rôle très important à jouer, car elle permet à Riley de faire son deuil de sa vie d’avant pour pouvoir se reconstruire, avec le soutien de sa famille.

Au tout début de ce très beau film, on nous présente rapidement l’utilité de la peur (qui nous prévient du danger), du dégoût (pour éviter ce qui n’est pas bon pour nous, il est associé à l’estime de soi) et de la colère (“Il est très à cheval sur la justice et l’impartialité”). Mais c’est un peu court…

Selon Saint Thomas d’Aquin, qui s’est beaucoup intéressé aux émotions, et ne peut pas être soupçonné d’indulgence pour la colère, la colère est un appétit de vengeance qui « enflamme le sang autour du cœur » et tend à rétablir la justice lésée par le mépris.

Attention, il ne s’agit pas de la vengeance au sens actuel, mais au sens d’un dédommagement moral de l’offensé par punition de l’offenseur, comme on le fait quand un coupable verse une somme à la personne qu’il a blessée ou va en prison.

On se met en colère parce que l’on est révolté par une injustice et que l’on veut rétablir la justice.

  • Quand on se met en colère devant nos murs couverts de dessins d’enfants, c’est parce qu’il n’est pas juste que ces murs, qui étaient beaux et décoratifs, portent des dessins beaucoup moins esthétiques, ou alors parce qu’il n’est pas juste que les enfants s’arrogent le droit de modifier des choses aussi importantes que les murs de la maison sans nous avoir demandé notre avis, à nous les propriétaires de ces murs.

  • Quand on se met en colère parce que les enfants pleurent après une journée à Disneyland, c’est parce qu’on leur a beaucoup donné durant cette journée : on a payé des billets exorbitants, on a fait preuve de patience pour qu’ils puissent faire ce qui les amusait, on leur a consacré tout notre temps et toute notre énergie. Et eux font preuve d’ingratitude en pleurant quand il faut s’en aller ! (Bien sûr, il ne s’agit pas d’ingratitude, mais d’épuisement nerveux, simplement c’est souvent comme ça que nous le percevons au fond de nous et c’est ce qui nous met en colère.)

  • Quand on se met en colère parce que les enfants ont dérangé ou sali la maison que nous avions pris tellement de temps à ranger, c’est parce que nous avons l’impression que notre travail n’a pas été respecté. Là encore, ce n’est pas juste, et ce n’est certainement pas à nous de ranger ce que, eux, ont dérangé !

Cette soif de justice est précieuse, c’est ce qui nous pousse à ne pas tout accepter, à garder une certaine estime de nous, à reconnaître que nous sommes dignes de respect.

C’est aussi une formidable source d’énergie qui nous pousse au changement.

 

Est-ce que Martin Luther King aurait fait ce qu’il a fait si la condition des Noirs ne l’avait pas mis en colère ? Qu’était la Résistance française sinon un mouvement de révolte, et donc de colère face à l’invasion allemande ?

Lorsqu’on se met en colère, on trouve l’énergie d’agir pour défendre ce qui nous tient le plus à cœur. La colère n’est donc pas mauvaise en soi, bien au contraire !

Mais attention, la colère n’est pas la violence…

Le problème ne vient pas de l’émotion que l’on ressent, qui est neutre, mais de l’expression qu’on lui donne. Et les cris, les claques, les fessées, ne sont pas de bons moyens de l’exprimer, je pense que nous sommes toutes d’accord là-dessus !

L’important est donc de trouver les bons moyens de canaliser cette colère pour en faire une énergie créatrice et pas une source de violence et d’agressivité. C’est d’autant plus difficile que la colère fait agir vite, sous l’impulsion du moment.

“La colère ressemble à ces serviteurs tellement empressés qu’ils courent exécuter les ordres avant de les avoir écoutés en entier et aux chiens qui aboient dès qu’on frappe à la porte sans se préoccuper de savoir s’il s’agit d’un ami ou d’un étranger.”(St Thomas d’Aquin)

Le premier conseil contre-productif que l’on entend souvent (y compris chez Isabelle Filliozat), c’est d’expulser sa colère en frappant sur un coussin dédié. Le problème, d’après des recherches en neurosciences, c’est que le fait d’associer le geste de frapper à l’émotion de la colère renforce cette connexion entre les deux, jusqu’au jour où au lieu d’un coussin, on frappera quelqu’un.

De même, la loi contre les violences éducatives comme la fessée est à mon avis parfaitement contre-productive: maintenant, lorsqu’un parent se sent débordé et ne sait recourir qu’à la fessée, il ne peut même plus aller chercher de l’aide, en parler librement, de peur de faire l’objet d’un signalement aux Services de la Petite Enfance.

Le débat était sain, il a permis de faire prendre conscience de l’effet des fessées sur les enfants (les livres de Catherine Guéguen sont très éclairants sur le sujet), mais le passage par une loi est selon moi un très mauvais choix.

Mais alors comment faire pour canaliser cette colère que l’on sent monter en soi ?

Comme proposé dans cette vidéo, un bon moyen d’expulser le débordement d’énergie lorsqu’on est en colère, c’est de faire du sport: du trampoline, ou tout simplement de courir. On ne peut malheureusement pas toujours sortir de chez soi, mais il est facile de s’isoler cinq minutes pour faire deux ou trois burpees ou jumping-jacks.

Une fois le surplus d’énergie dissipé, on peut chercher le véritable déclencheur de la crise de colère. On prend deux minutes de recul, et on fait le tri parmi tout ce qui s’est passé avant cette forte émotion.

Parfois, le déclencheur apparent n’est pas la vraie cause de la colère : par exemple si l’on rentre tard du travail et qu’un collègue s’est approprié l’une de nos idées, on va exploser à la moindre contrariété familiale, alors que la véritable source du problème se trouve au travail.

Donc il faut bien examiner toute la journée et chercher la véritable injustice contre laquelle nous éprouvons le besoin de nous révolter.

Autre point auquel il faut faire attention : nos émotions et nos réactions sont exacerbées par la fatigue. Fatigue physique bien sûr, manque de sommeil, mais aussi fatigue intellectuelle (surcharge mentale) et fatigue émotionnelle. Cette dernière est plus subtile, c’est celle que l’on éprouve typiquement après une journée entière passée avec nos enfants : nous passons toute la journée à contrôler nos émotions et notre attitude pour donner le bon exemple et vivre une belle relation de famille, mais au bout d’un moment notre force de volonté n’est plus suffisante et les barrages lâchent sous le flot des émotions.

Il est donc important d’apprendre à se recharger et à prendre soin de soi, aussi bien au niveau physique que mental et affectif.

Tout cela est bien beau, me direz-vous, mais quand on est envahi par la colère, le premier réflexe n’est pas forcément de se retirer et de s’isoler un petit moment ! Comment y arriver ?

Essayez cette petite astuce rapide : quand vous sentez le flot de la colère vous envahir, au lieu de serrer les poings ou de lever les bras, ouvrez grand les mains devant vous, paumes vers le haut, bras tendus vers l’avant. Cela vous évitera de renfermer toute cette énergie et de la garder vers vous, ce qui ne ferait que l’exacerber davantage et cela ralentira de quelques secondes le processus d’énervement, ce qui vous permettra de rester rationnelle plus longtemps et de prendre les mesures qui s’imposent, comme de quitter la pièce.

Cette action des gestes sur l’esprit est bien connue mais elle est particulièrement bien décrite par le philosophe Alain : “Comme on ne peut penser quand on a la bouche ouverte, ainsi on ne peut être en colère lorsque l’on tend sa main largement ouverte, la paume retournée vers le haut ; si la colère n’est pas nettoyée aussitôt, c’est que le geste est mal fait. […] Amusez-vous à mimer des opinions d’un moment, comme font les avocats ; tendez les deux mains en les ouvrant, comme pour recevoir ; vous voilà prêt à tout entendre ; que votre adversaire vous instruise s’il peut ; et même vous lui direz merci ; voilà un homme conciliant. Mais tournez vivement la main, la paume vers le public ; c’est un autre homme qui va parler, et qui a son opinion faite : il ne remettra pas en question ce qui est plus clair que la lumière du jour. Ces gestes sont de gymnastique et presque de danse ; ils modèrent la violence des pensées en même temps qu’ils en changent le cours.”

Ou comme le disent les Anglais : “Fake it till you make it” : faites semblant jusqu’à ce que ce soit vrai !

Bien sûr, au début vous allez y penser alors que serez déjà en train de craquer et de hurler sur votre entourage. Et puis au bout d’un moment vous allez y penser juste avant, et puis encore un peu avant, et encore avant, et de petit pas en petit pas, vous allez réussir à éviter la crise avant qu’elle ne vous dépasse.

Mais surtout, soyez indulgente envers vous-même… Notre tempérament, notre histoire, notre éducation ne nous facilitent pas toujours la tâche et vous n’êtes pas seule ! Rien que le fait que vous soyez ici, sur ce blog, en train de lire cet article, me prouve que vous voulez bien faire et que vous voulez le meilleur pour vos enfants.

Alors non, vous ne deviendrez pas une mère parfaite d’un jour à l’autre et pire encore… vous ne deviendrez JAMAIS une mère parfaite.

Mais vous pouvez être une mère suffisamment bonne et malgré vos imperfections, combler d’amour vos enfants.

Pour vous prouver que vous n’êtes pas seule, je vais vous raconter dans les commentaires l’une des dernière fois où je me suis énervée (c’était pendant l’écriture de cet article, justement, quelle mauvaise ironie…!). Il est difficile d’être vulnérable comme ça, et de me montrer aussi imparfaite, quand beaucoup de mamans me demandent des conseils. Mais je pense qu’il faut avant tout être honnête et reconnaître que, comme beaucoup d’entre vous, je suis sur un chemin et qu’il n’y a pas de ligne d’arrivée… Alors j’apprécierais beaucoup si vous pouviez vous aussi nous raconter l’une de vos dernières colères.

Et la prochaine fois que vous vous énervez, essayez de penser à cet article et si l’une des solutions que je vous propose vous aide à maîtriser vos pulsions, s’il vous plaît, revenez nous le dire, ce sera une immense source d’espoir pour toutes les mamans qui se battent comme vous contre leur colère !

 

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