QUELLE EST LA PROGRESSION POUR APPRENDRE À CALCULER AVEC LA PÉDAGOGIE MONTESSORI ?
La pédagogie Montessori est particulièrement riche pour tout ce qui concerne les mathématiques : apprendre à compter, découvrir le système décimal ou encore comprendre le sens des 4 opérations. Vous avez sans doute entendu parler des fameuses perles dorées ou du jeu des timbres. Ces termes peuvent paraître étranges, mais même sans avoir suivi une véritable formation Montessori en calcul, on sait souvent que le matériel mathématique de cette pédagogie est dense. Malgré tout, il peut être difficile de s’y retrouver concernant la progression à suivre, d’autant plus que c’est très différent du système classique. Deux questions se posent finalement. Avant tout, comment apprend-on à compter en Montessori ? Et quelle est la progression à suivre ? C’est ce que j’aimerais éclaircir aujourd’hui dans cet article. Nous allons comparer l’approche et la progression de type Éducation nationale, avec celle appliquée en Montessori. Avec cette dernière, vous verrez que l’on s’attache avant tout à donner du sens et à faire comprendre les mécanismes suivant lesquels nous formons les nombres, plutôt que de réciter des suites de nombres sans queue ni tête.
Avant de continuer, si vous préférez écouter le podcast de cet article ; par exemple en faisant vos tâches ménagères ou pendant un trajet en voiture, je vous invite à cliquer sur le lecteur ci-dessous :
La progression en mathématiques de l’Éducation nationale
Comment fait-on dans la progression mathématiques classique de l’Éducation nationale pour apprendre à compter, dénombrer et découvrir les 4 opérations ? Évidemment, il existe des variations suivant les professeurs, mais voyons ensemble les grands axes.
1. Commencer avec les nombres de 1 à 10
D’abord, on découvre les nombres de 1 à 10. D’un côté, on apprend ce que représentent les nombres en comptant des ensembles d’éléments. On travaille par exemple avec des images représentant 4 coccinelles avec le chiffre 4 à côté. Et on apprend la comptine numérique associée, c’est-à-dire la suite des nombres : 1, 2, 3, 4… Jusqu’à 10. J’en avais déjà parlé dans un précédent podcast intitulé « Mon enfant sait-il vraiment compter ? », mais je préfère le rappeler : il est très différent de savoir réciter la comptine numérique (la simple suite des nombres) et savoir réellement compter. Je vous invite donc à l’écouter pour mieux comprendre la différence entre compter et dénombrer.

2. Poursuivre avec les nombres de 11 à 20, de 20 à 50 et de 50 à 100
Dans la progression classique, après avoir étudié les nombres de 1 à 10, on poursuit généralement avec ceux de 11 à 20. On apprend la suite de la comptine numérique jusqu’à 20 et à dénombrer ces nombres entre 11 et 20. Ensuite, on prolonge de 20 à 50 avec un travail sur le nom des dizaines et on poursuit encore de 50 à 100. On enseigne ainsi les nombres de manière très linéaire par groupements.
3. Comprendre les 4 opérations
Après avoir travaillé les nombres de 0 à 100, on s’intéresse aux 4 opérations. On fait comprendre aux enfants qu’additionner c’est ajouter ou mettre ensemble des choses. Soustraire, c’est retirer quelque chose. Multiplier, c’est ajouter plusieurs fois le même nombre et diviser, c’est partager en quantités égales. On essaie de faire comprendre le concept pour chacune de ces 4 opérations.

4. Faire des calculs à 2 puis à 4 chiffres
On fait des calculs à 2 chiffres pendant très longtemps. On apprend donc toute la mécanique opératoire uniquement avec des nombres à 2 chiffres. Ce n’est que bien plus tard dans le cursus primaire traditionnel que l’on réalise des calculs avec des nombres à 4 chiffres.
La progression mathématique Montessori
La progression Montessori est très différente de celle de l’Éducation nationale. Je vais devoir me contenter de vous en donner les grandes lignes, sinon cet article ferait au moins 20 pages ! Je rentre bien entendu beaucoup plus dans le détail au travers de ma formation de calcul. Nous y voyons toutes les activités une par une et comment elles s’intègrent dans la progression générale, car la plupart du temps, les activités Montessori n’ont pas qu’un seul objectif. Par exemple, les barres rouge et bleu permettent d’apprendre à compter et de percevoir les quantités de 1 à 10. Mais cela prépare aussi au fait qu’il existe d’autres nombres (les décimaux) entre les nombres entiers, même si cela ne sera utile que plus tard. En somme, il y a toujours des petites graines que l’on sème pour plus tard dans le travail montessorien. Je vais donc vous en donner les grands principes, car je ne peux pas vous détailler tous ces multiples objectifs pour chaque activité.
1. Les nombres de 1 à 10
Comme dans la progression classique, on va commencer par aborder les nombres de 1 à 10. On réalise une représentation concrète des quantités grâce aux fameuses barres rouge et bleu que je viens d’évoquer. On travaille également les symboles des chiffres grâce aux chiffres rugueux. On apprend aussi à les écrire. Et on apprend la comptine numérique avec des petites chansons, comme on le fait dans la pédagogie classique de l’Éducation nationale. Jusqu’ici, la progression est sensiblement la même. Cependant, l’apprentissage se fait différemment puisque le matériel utilisé en Montessori donne l’occasion de présenter les nombres de 1 à 10 de manière plus concrète.
2. Introduire le système décimal
Ensuite, au lieu d’aborder les nombres de 11 à 20, on introduit directement le système décimal, c’est-à-dire les nombres 1, 10, 100, et 1000. C’est là qu’on présente le merveilleux matériel du cube de mille. C’est sans doute mon coup de cœur de la pédagogie Montessori, je suis fan de tout ce qu’il permet de développer avec l’enfant.
Le système décimal est donc introduit de manière concrète avec les perles dorées. Voici ce qu’on y trouve :
- une perle dorée pour les unités ;
- une barrette de 10 perles pour les dizaines ;
- une plaque de 100 perles constituée de 10 barrettes de 10 perles ;
- un cube de 1000 perles avec des arêtes de 10 perles, pour représenter les milliers.

Ce matériel est très beau, et il permet surtout de donner une représentation concrète du système décimal. En parallèle on donne aussi le nom des éléments : « un : une unité ; dix : une dizaine ; cent : une centaine ; mille : un millier ».
3. Former toutes les quantités de 0 à 9999
Une fois ce travail sur le système décimal effectué, on a compris la structure sur laquelle reposent tous les nombres. On apprend donc à former toutes les quantités de 0 à 9999. À ce stade, on n’est pas encore entré dans les conventions pour les nommer. L’enfant va pouvoir former des quantités gigantesques jusqu’à 9999, mais il ne sera pas nécessairement en mesure de nommer « onze » ou « douze » par exemple.
4. Comprendre la structure des grands nombres avant de les nommer
L’enfant n’aura pas encore appris les mots, le vocabulaire pour nommer les chiffres de 11 à 20 au moment de former des grands nombres. Ce ne sont en fait que des conventions, d’ailleurs très peu logiques en français de 11 à 16. Ce n’est qu’à partir de 17 (« dix-sept ») qu’on entre dans une construction logique.
Cela peut être très perturbant pour les parents qui se demandent alors comment va faire leur enfant pour appeler le nombre composé d’une dizaine et d’un cinq par exemple. Pendant un certain temps, il va l’appeler « dix cinq ». Et ce n’est absolument pas grave ! S’il doit composer le nombre 3247, il va le composer et quand il va le relire il va se dire qu’il y a trois mille, deux cents, quatre dix et 7.
Cela peut sembler perturbant, mais c’est pourtant beaucoup plus solide de commencer par apprendre le système décimal. C’est vraiment le fondement de tout. En plus, certains enfants ne sont pas prêts à intégrer tout le vocabulaire dès le départ, surtout qu’il peut y avoir des confusions entre quatorze et quarante ou quinze et cinquante par exemple. C’est un vocabulaire difficile à apprendre, comme pour le nom des dizaines. Où est la logique quand on passe de « soixante » à « soixante-dix », puis de « quatre-vingt » à « quatre-vingt-dix » ? Certains de nos voisins francophones sont beaucoup plus logiques avec leurs « nonante, septante, etc. ». Ils ont bien de la chance, car notre français de France n’est pas très cohérent.
Donc cela ne sert à rien de vouloir absolument faire intégrer ces conventions de nommage le plus tôt possible. L’important est plutôt et surtout que les enfants comprennent la structure du système décimal et comment on forme les nombres.
5. La magie du nombre pour comprendre la structure des nombres à 4 chiffres
Dans la pédagogie Montessori, il existe une autre superbe activité qui s’appelle la magie du nombre. C’est ce qui permet de réunir les symboles indépendants pour former un nombre complet à 4 chiffres.
Je m’explique. Admettons que sur son plateau, l’enfant ait la quantité 3247 : 3 cubes de mille, 2 plaques de cent, 4 barrettes de dix, et 7 petites perles-unités. Il va associer les symboles à chaque catégorie de quantité. Il a 3 cubes de mille, il va donc chercher le symbole « 3000 », pour les deux plaques de cent, il cherchera le symbole « 200 » et idem pour les autres nombres. Ensuite, grâce à une très jolie présentation, on associe les différentes planches de symboles en les superposant pour former le nombre complet 3247.
L’intérêt d’associer ces 4 planches, c’est que quand l’enfant lit le nombre, il va commencer par dire « 3 ». Mais est-ce que ce sont 3 unités, 3 dizaines, 3 millions ? Pour le vérifier, il lui suffit de faire glisser les plaques positionnées par superposition après le 3, pour voir que c’est en fait 3000. De la même façon, il peut ensuite aller voir ce qui suit le 2. Il verra qu’il y a deux zéros, c’est donc deux cents.
Cette façon de voir le nombre révèle la structure qui est en-dessous. Généralement, c’est facile pour l’enfant de comprendre qu’un 3 suivi de trois zéros, c’est 3000. Mais c’est beaucoup plus difficile de comprendre dans un nombre construit comme 3247, que le 3 représente trois mille et pas trois cents ou autre chose. Grâce à cette représentation très concrète, l’enfant le comprend beaucoup plus facilement.
6. Nommer les nombres de 11 à 99 avec les tables de Séguin
En parallèle, mais souvent un peu après la magie du nombre, on travaillera les conventions de nommage. On travaille celles pour les nombres de 11 à 19 grâce à la 1re table de Séguin, puis on aborde les conventions de nommages des dizaines : « vingt », « trente » et ainsi de suite jusqu’à quatre-vingt-dix. On étudie ensuite tous les nombres de 20 et 99 avec la 2e table de Séguin. Ce matériel a été créé par Édouard Séguin, un grand pédagogue dont Maria Montessori s’est beaucoup inspirée. Elle lui a d’ailleurs emprunté une bonne partie de son matériel.
Découvrir diverses représentations des nombres
Les perles dorées
Ensuite, l’enfant va découvrir qu’il existe plein d’autres représentations des nombres, même s’il en connaît déjà certaines. Dans la pédagogie Montessori, un même nombre peut d’abord être représenté par des perles dorées. Avec 1347, on a 1 cube de 1000 perles, 3 plaques de 100 perles, 4 barrettes de 10 perles et 7 petites perles-unités.
Le jeu de la banque
On peut aussi représenter cette même quantité avec le matériel en bois du jeu de la banque. Au lieu d’utiliser un cube de 1000 perles, on va utiliser un cube en bois avec sur chaque face des petits dessins représentant les perles et une plaque en bois avec 100 perles dessinées. C’est déjà un premier passage à l’abstraction.
Les perles colorées
On va aussi utiliser des barrettes de perles colorées. On a déjà les barrettes de 10 perles dorées, mais là on également une couleur pour chaque quantité entre 1 et 9. Par exemple, les barrettes de 1 perle sont toujours en rouge, les barrettes de 2 perles sont toujours vertes, etc. Il y a ainsi un code couleur pour chaque barrette. On peut par exemple les utiliser pour représenter 15 avec une barrette de 10 perles dorées et une barrette de 5, bleu clair. C’est une représentation un peu différente des perles dorées avec lesquelles on aurait 5 petites perles indépendantes à côté de la barrette de 10.
Les chaînes de 100 et 1000
On représente aussi les nombres grâce aux chaînes de cent et de mille. C’est une représentation linéaire. Prenons la chaîne de mille. Elle se compose de 100 barrettes de 10 perles, attachées par des anneaux. Il y a des petits anneaux toutes les dizaines et des plus grands entre les centaines. L’enfant va pouvoir travailler la position des nombres jusqu’à 100 et jusqu’à 1000 grâce à ces chaînes. Il aura ainsi une représentation du nombre sur une ligne, sur une droite.
Les timbres pour accentuer le passage à l’abstraction
Pour les opérations, l’enfant va utiliser les timbres. C’est encore un passage à l’abstraction supplémentaire. Les unités, dizaines, centaines et milliers sont représentés par des petits carrés de couleur. Les unités et les milliers sont en vert (les milliers étant des unités de mille), les dizaines sont en rouge et les centaines en bleu. Sur chacun de ces petits carrés est écrit 1, 10, 100, ou 1000. Donc le nombre 1347 serait représenté grâce à un petit carré vert avec 1000 noté dessus, 3 petits carrés bleus avec chacun le nombre 100, 4 petits carrés rouges avec le nombre 10 pour chacun et enfin 7 carrés verts avec le 1 inscrit sur chaque là encore. C’est bien un passage à l’abstraction, car tous les carrés font la même taille. Ici, on n’a plus le gros cube de 1000 pour rappeler que c’est un grand nombre. Les timbres se différencient par le nombre écrit dessus et non par leur taille.
Le boulier et les grands symboles
On va ensuite passer au boulier. Chaque catégorie (unité, dizaine, centaine, etc.) y est représentée par une perle. Ce qui fait la différence entre une unité et une centaine par exemple, c’est la couleur et la position sur le boulier. Les unités simples sont tout en haut et les unités de 1000 sont trois crans plus bas.

L’enfant va également avoir à sa disposition les grands symboles avec la présentation de la magie du nombre dont il a été question plus haut. C’est grâce à toutes ces différentes représentations que l’enfant va petit à petit passer à l’abstraction. C’est extrêmement précieux, car selon le problème et ses besoins, il aura la possibilité d’utiliser la représentation du nombre qui lui sera la plus utile. Il a ainsi le choix entre une représentation linéaire ou bien dans le système décimal, etc.
Travailler la compréhension des 4 opérations
À partir de là, l’enfant va aussi travailler la compréhension des 4 opérations. Comme dans la pédagogie classique, on peut lui donner une compréhension générale du concept de chaque opération avec les perles dorées. Ensuite, on va amener une progression vers l’abstraction pour chaque opération.
On va par exemple travailler l’addition avec le matériel des timbres, puis avec le boulier. Pour la multiplication, il y a un matériel mathématique particulier. On va utiliser le damier et le boulier doré de la multiplication ainsi que la table de la multiplication. Pour la division également il existe un matériel spécifique constitué de petites éprouvettes avec des perles dedans. Cela permet de partager un grand nombre en quantités égales.

Je ne vais pas rentrer davantage dans le détail de ces activités, car ce serait bien trop long ! C’est pour cette raison que cela fait l’objet d’une formation entière.
Pour vous donner quelques points de repère supplémentaires concernant les opérations, j’ajoute qu’on commence toujours par aborder l’addition et la soustraction sans retenue. Pour aborder la retenue, là encore, on voit les choses de façon concrète. On utilise les perles dorées et on effectue ce qu’on appelle un change. La retenue c’est en fait changer dix unités en une dizaine. Au lieu de l’apprendre de façon abstraite comme une technique opératoire, on va en comprendre la raison profonde en utilisant des perles. On fait un échange à la banque en donnant 10 petites perles dorées (les unités) contre une barrette de 10 perles : une dizaine.
Comprendre le système décimal pour être capable de tout calculer
Une fois qu’on a vu comment les choses fonctionnaient pour les nombres à 4 chiffres, on a tout vu car le système décimal fonctionne en boucle. On a toujours des unités, des dizaines, des centaines, puis des unités de mille, des dizaines de mille, des centaines de mille. Et cela continue de la même manière avec les millions et les milliards. Quand l’enfant a vu tout cela et qu’il sait faire les opérations avec les unités, dizaines, centaines et milliers, il sait les faire pour toutes les catégories. C’est très facile d’extrapoler ensuite avec autant de chiffres que l’on veut. C’est pour cette raison qu’en pédagogie Montessori, on aborde les grandes opérations bien plus tôt que dans le système classique.
Le système décimal est la base de tout le reste. Quand il est bien acquis, l’enfant n’a plus de restrictions et peut tout calculer et faire toutes opérations qu’il veut.
Apprendre à calculer avec la pédagogie Montessori
J’espère que tout ce dont je vous ai parlé vous aura été utile, et que cela vous a permis d’y voir plus clair dans la progression mathématique Montessori. Si vous voulez en savoir plus, je vous invite à rejoindre ma formation de calcul Montessori. Vous pourrez y découvrir le détail de chacune des activités évoquées dans cet article. Chaque présentation y est filmée en conditions réelles en compagnie de mon fils. Vous le voyez apprendre à compter et à calculer progressivement. Cette formation vous permettra donc de faire comprendre concrètement le principe du système décimal et des 4 opérations à votre enfant. Vous trouverez tous les documents et les explications nécessaires pour qu’il entre facilement dans les mathématiques et qu’il acquière les bases du calcul grâce à la pédagogie Montessori.
