Après avoir écrit un article pour la fête des mères, je ne pouvais pas ne rien écrire pour la Fête des pères ! Mais je vous avoue que je me suis retrouvée bien embêtée… Car tout ce que j’ai écrit pour les mamans reste bien évidemment valable pour les papas ! D’un autre côté, je sais aussi que ce sont essentiellement des mamans qui me lisent, et qu’elles recherchent donc peut-être plutôt des idées pour faire plaisir au père de leurs enfants que des idées pour qu’il prenne soin de lui-même. J’aurais donc pu vous proposer une idée de bricolage pour la Fête des pères… sauf que non, je ne pouvais pas.
Avant de continuer, si vous préférez écouter le podcast de cet article ; par exemple en faisant vos tâches ménagères ou pendant un trajet en voiture, je vous invite à cliquer sur le lecteur ci-dessous :
Pourquoi les bricolages sont-ils absents de la pédagogie Montessori, même pour la fête des pères ?
C’est que dans la pédagogie Montessori, nous sommes à l’opposé d’une logique de « production » d’œuvres d’art ou de bricolages. J’en ai pris conscience de façon un peu douloureuse il y a quelques mois, alors que je rangeais et triais les dessins et les réalisations des enfants. J’avais trouvé un excellent système qui me permettra, lorsqu’ils quitteront la maison, de leur permettre de partir avec une petite caisse qui comprendra leurs souvenirs marquants, leurs diplômes, les œuvres d’art et les bricolages qui leur plaisent le plus.
Et tandis que je commençais à trier tout cela dans différentes pochettes pour chaque enfant, 0-3 ans, 3-6 ans, 6-9 ans etc., je me suis aperçue que la pochette 0-3 ans de Stan, notre troisième enfant, était quasiment vide alors que celles des deux aînés débordaient.

Il faut dire que l’aîné est allé à la crèche pendant une année complète, et que notre deuxième y est allée deux matinées par semaine pendant plusieurs années, ce qui me permettait de dégager un peu de temps pour travailler.
Et ils revenaient régulièrement de la crèche avec des dessins, des bricolages, des cadeaux etc. Tandis que Stan, qui est toujours resté avec moi ou gardé quelques heures par semaine par une nounou à domicile, a connu un parcours bien différent !
Car en crèche ou à l’école, pour satisfaire les parents et leur montrer qu’il ne s’agit pas seulement d’une garderie pour leurs enfants mais qu’ils apprennent des choses et s’amusent, il faut régulièrement produire des réalisations. Les puéricultrices et les enseignants rivalisent donc d’ingéniosité pour trouver des idées de bricolages très simples à réaliser par des bambins ou de jeunes enfants, tout en produisant son petit effet.
L’objectif est d’atteindre un certain niveau esthétique avec une contribution minime mais bien visible de l’enfant. Par exemple un arbre peint sur une feuille par l’adulte, sur lequel l’enfant va, à l’aide de peinture et d’un coton-tige, faire des petits points qui pourront représenter des pommes. Ou mélanger des pâtes FIMO de différentes couleurs assorties pour faire un bel effet marbré, la faire étaler par l’enfant puis découper à l’emporte-pièce pour réaliser un ravissant pendentif pour la Fête des mères (j’en ai maintenant deux, très jolis, parmi mes bijoux).
Tout le monde est ravi, les mamans reçoivent leur petit cadeau à la Fête des mères, les papas reçoivent leur petit bricolage à la Fête des pères, ils sont fiers de leurs enfants et satisfaits du travail accompli par les enseignants ou les puéricultrices, qui de leur côté se sentent donc reconnus.
Mais les enfants dans tout ça ?
Certains sont très fiers de leurs réalisations, mais on ne peut pas dire généralement qu’ils aient particulièrement développé leur créativité. D’autres sont tout simplement blasés, et il a fallu les forcer un peu pour qu’ils participent comme on l’attendait d’eux au fameux bricolage de fête des mères ou des pères.
On reproche parfois à la pédagogie Montessori de ne pas être axée sur la création artistique, et je pense que l’une des raisons est que les enfants ne reviennent pas toutes les semaines de l’école avec leur dernier « projet » qui est en fait celui de l’enseignant, qui impose à ses élèves d’y participer.
Au contraire, en Montessori, le principe est très différent : on aide l’enfant à mieux maîtriser ses gestes, à gagner en habileté, pour lui permettre ensuite de développer sa créativité librement. C’est une idée un peu à rebours de la pensée actuelle, mais les montessoriens considèrent qu’un enfant est sans cesse créatif et que pour l’aider à développer cette créativité, le plus efficace est de l’aider à développer sa technique : avec plus de moyens à sa disposition, plus d’outils, comme un poignet plus souple, des gestes plus fins etc., il sera plus libre de créer.
Depuis environ un siècle, on n’aime plus trop parler de technique en art, et pourtant lorsqu’on étudie attentivement l’histoire de l’art, on s’aperçoit qu’elle est indissociable de l’histoire des techniques et que ce sont souvent de nouvelles techniques qui ont donné le jour à de nouvelles écoles de peinture.

C’est par exemple l’invention de la peinture à l’huile qui a permis aux primitifs flamands de déployer des couleurs plus chatoyantes comme dans La Vierge au chancelier Rolin (ci-dessus), l’invention du miroir qui a permis de délicieux clins d’oeil, comme dans Les époux Arnolfini, de Jan van Eyck, ou l’invention du tube de peinture qui a permis l’éclosion des écoles de paysagistes de Pont-Aven ou de Barbizon.
C’est donc en aidant l’enfant à développer sa technique que nous libérerons sa créativité.
La découverte de la géométrie l’aidera à développer son sens de la proportion, celle des couleurs lui ouvrira les portes de nouvelles harmonies graphiques, l’amélioration de sa motricité fine lui permettra de dessiner précisément ce qu’il imagine etc.
J’en ai encore eu la preuve il y a quelques jours. J’avais, le matin même, montré à ma fille comment dessiner une rosace au compas. Voici ce que j’ai trouvé sur mon bureau quelques heures plus tard :

Et elle veut maintenant en faire toute une guirlande ! Si l’idée était venue de moi, jamais elle ne se serait autant investie.
Alors quel cadeau offrir pour la Fête des pères ?
Je n’ai absolument rien contre les cadeaux, moi-même j’aime beaucoup en recevoir, surtout quand ils viennent des enfants, mais justement, je préfère qu’ils viennent des enfants, ou du moins qu’ils puissent y apporter leur propre inventivité.
Mais alors comment s’y prendre ?
Plutôt que de récupérer un modèle de bricolage sur Internet et de le faire réaliser à la lettre par les enfants pour la Fête des Pères, pourquoi ne pas leur demander ce qu’ils ont envie de faire ?
S’ils manquent d’idées, on peut leur demander quelle technique ils aimeraient utiliser, avec quoi ils se sentent le plus à l’aise. Parmi mes enfants, certains aiment énormément peindre, tandis que mon aîné est plus à l’aise avec l’assemblage, la construction ou le travail du bois. Ça tombe très bien, c’est tout à fait complémentaire !

Une fois la technique déterminée, réfléchissez avec eux à ce que leur papa aime, à ses hobbies et ses passions. Maintenant essayez de relier les deux !
Je crois que le bricolage de Fête des Pères qui a remporté le plus de succès chez nous est un blason de Lorraine. J’allais à l’époque régulièrement dans un fablab, ces « laboratoires de fabrication » ouverts à tous dans lesquels on a accès à toutes sortes de machines, comme des imprimantes 3D et surtout, ce qui m’intéressait avant tout, à une découpeuse laser.
Je savais donc qu’en partant d’un simple dessin je pourrais découper et pyrograver une planche de bois de façon impeccable. En réfléchissant avec les enfants, nous nous sommes dits que l’une des choses auxquelles mon mari était le plus attaché était ses racines lorraines. J’ai donc préparé le dessin et nous sommes allés tous ensemble faire découper et graver le blason par la machine du fablab.
Puis mes deux aînés l’ont peint (le troisième était encore beaucoup trop jeune), en s’appliquant beaucoup. Bien sûr, ce n’était pas parfait, mais j’ai résisté à la tentation de repasser derrière pour affiner un peu. Quel message fait-on passer aux enfants quand on « corrige » ce qu’ils ont réalisé ?

Quand ils ont passé des heures sur un projet et qu’en quelques minutes on fait des retouches « pour que ce soit plus beau » ? Je me rappelle encore avoir écrit un poème en CM1, poème qui valait ce qu’il valait, avec des rimes assez artificielles, et que la maîtresse en avait changé la ponctuation. J’aurais très volontiers admis qu’elle corrige des fautes d’orthographe ou d’accord, mais là il s’agissait vraiment de préférences personnelles, et je n’ai pas du tout apprécié. Au point que ce poème, je n’ai plus jamais voulu le lire, car ce n’était plus « mon » poème.
Cela peut vous paraître complètement anodin, et peut-être que j’étais inutilement susceptible, mais c’est dès leur plus jeune âge que nous aidons nos enfants à construire leur confiance en eux et à développer leur goût et leurs passions.
Voici donc les 4 étapes que je vous propose pour aider vos enfants à réaliser un bricolage de Fête des Pères :
- Les aider à trouver la ou les techniques avec lesquelles ils sont à l’aise et ils aimeraient réaliser quelque chose (peinture, travail du bois, perles, couture, origami, musique, poésie…)
- Réfléchir avec eux aux passions de leur papa et trouver un thème de bricolage
- Laisser libre cours à leur créativité. Que cela ne vous empêche pas de proposer des idées bien sûr, mais il s’agit de proposer, pas d’imposer !
- Ne pas corriger leur réalisation
Et normalement, vous devriez voir germer un beau sourire sur le visage du papa lorsqu’il découvrira son cadeau… Car un parent reconnaît tout de suite la « patte » de ses enfants, et c’est beaucoup plus émouvant qu’un bricolage standardisé.
J’ai vraiment vu la différence entre mon dernier cadeau de Fête des mères, réalisé par les enfants à l’aide de la nounou qui vient les garder une dizaine d’heures par semaine, et les bricolages que j’avais pu recevoir lorsqu’ils allaient de temps en temps en collectivité.
Sur ces derniers, il y avait souvent une photo mais il était rare que mes enfants soient vraiment souriants, ou que leur sourire ait l’air spontané. Sur mon dernier cadeau, ils ont tous un sourire éclatant car ils ont clairement participé pleinement au projet et ne se sont pas contentés d’appliquer froidement des consignes. Il s’agit d’un cadre dans lequel ils figurent tous, et qu’ils ont décoré eux-mêmes. Ils ont utilisé du matériel qu’ils utilisent au scrapbooking, et je reconnais particulièrement les apports de ma fille qui a choisi pour fond un papier miroir rose pâle et a placé des fleurs sur le pourtour.

Notre nounou s’est donc parfaitement adaptée non seulement à notre matériel mais surtout à nos enfants, à leurs envies et à leurs talents. Et le résultat m’a émue plus que je ne pourrais le dire !
Idem pour les deux petites boîtes en forme de cœur qui entourent le cadre : c’est dans leur cours de scrapbooking qu’ils les ont réalisées. Et si leur professeur en a profité pour leur apprendre une nouvelle technique (ils ne l’ont donc pas choisie eux-mêmes), ce sont eux qui choisissent les papiers, les photos qui figurent sur le petit album à l’intérieur de la boîte, ce sont eux qui ont peint les boîtes et tout décoré, et je reconnais toujours très bien le travail de l’un et le travail de l’autre…
Et si on offrait autre chose qu’un bricolage pour la Fête des Pères ?
J’espère que je vous aurai donné un peu d’inspiration pour offrir un joli cadeau de Fête des Pères, qui vienne vraiment du cœur. Mais on peut aussi offrir autre chose qu’un bricolage !
C’est sûr, à l’école ou à la crèche, on n’a pas tellement d’autres possibilités. Mais à la maison, laissez vous aussi libre cours à votre créativité ! Pourquoi ne pas proposer aux enfants de préparer eux-mêmes un petit déjeuner au lit pour leur papa ? Ça tombe bien, les enfants Montessori commencent toujours par développer leur autonomie dans la vie quotidienne grâce à la Vie pratique.
Imaginez leur fierté si le plus jeune a versé un verre de jus d’orange tandis que l’aîné a coupé des tartines de pain ou de brioche et qu’ils les ont soigneusement tartinées ?

J’évoquais aussi dans mon dernier article sur la Fête des Mères les différents langages de l’amour. Nous avons déjà évoqué les cadeaux matériels et le service (le petit déjeuner au lit, mais cela peut aussi être le repassage de ses chemises pour la semaine si c’est lui qui s’en charge d’habitude, ou tout autre tâche qui le décharge pour le week-end). Si votre conjoint (ou le père de vos enfants) a pour langage de l’amour celui des moments de qualité, proposez-lui une activité qu’il aime en famille et discutez en amont avec vos enfants de certaines règles de base pour que tout se passe bien. S’il s’agit d’un jeu de société, que tout le monde se mette bien d’accord sur le principal objectif du jeu : passer un bon moment et non gagner. S’il s’agit d’une balade en forêt, établissez des règles simples : ne pas s’éloigner (les enfants doivent toujours vous voir) par exemple.

S’il préfère les paroles valorisantes, pourquoi ne pas constituer une petite boîte à mots doux, sur lesquels les enfants pourraient écrire tout ce qu’ils aiment chez leur papa ? S’il ne savent pas encore écrire, ils peuvent vous le dicter.
Enfin, si son langage est celui du toucher, prévoyez plutôt une activité physique, comme la piscine, ou une séance d’acrobaties de cirque en famille. Un moment où il puisse relâcher la pression.
Prenons-en soin, des papas !
Bien au-delà des bricolages de Fête des Pères, les papas ont besoin de sentir qu’ils sont reconnus, qu’on les aime. On parle beaucoup des mamans sur Internet ou dans la presse : des mamans au foyer, des mamans qui travaillent, des mamans de famille nombreuse… Et les papas dans tout ça ?
Leur rôle est fondamental : bien sûr ils participent, et ce de plus en plus, aux tâches du foyer, mais surtout ils constituent un « tiers séparateur » entre la mère et ses enfants. Le père est celui qui permet l’ouverture au monde, la découverte de la diversité des personnes, en sortant d’un amour fusionnel exclusivement entre deux personnes.
Alors reconnaissons-les dans leur rôle, et célébrons leur fête avec autant de soin et de joie que la Fête des Mères ! Je sais que j’emploie toujours par défaut le féminin parce que ce sont essentiellement des femmes qui me lisent, mais même si à cause de moi vous ne recevrez peut-être pas de bricolage pour la Fête des Pères, je vous souhaite, à vous tous les souriceaux, une excellente fête !
Très chouette article, tellement vrai et qui me parle beaucoup.
Merci ! Et qu’est-ce que vous avez prévu de votre côté pour la Fête des Pères (ou vos enfants) ?
Merci beaucoup anne-laure de confirmer mon intuition : ne pas interférer quand ils font un bricolage! Je ne m’autorise même pas de suggestion, quelques fois je bouillonne intérieurement.
Merci aussi pour çe rappel sur l’importance de la technique (et donc les outils-matériaux disponibles) auquel je n’avais pas pensé. Je dois avouer que ma fille en ief apprécie particulièrement l’éveil à la foi, justement parce qu’il y a des bricolages très aidés par les adultes…. C’est sûrement un moyen de découvrir d’autres techniques.
Enfin, je rappelle quand même que dans les classes montessori le matériel de peinture est normalement toujours disponible, donc je trouve que la créativité de l’enfant est vraiment encouragée…. Mais c’est vrai que chez moi, en ief, çe n’est pas le cas.
Ah oui, les bricolages faits à l’extérieur sont de merveilleuses occasions de découvrir des techniques qu’on ne maîtrise pas du tout soi-même ou auxquelles on n’aurait même pas pensé ! Nous sommes très complémentaires avec mon mari de ce point de vue-là : il aime beaucoup la peinture de figurines et a donc appris à nos trois aînés (même à celui qui n’a que 4 ans !) à peindre des petits santons ou des figurines. De mon côté, j’aime beaucoup le travail du fil ou de la laine, broderie, tricot, crochet, donc c’est plutôt ce que j’essaie de faire découvrir aux enfants.
Mais ma fille a une amie qui fait de la sculpture et c’est un domaine que ni mon mari ni moi ne connaissons alors que ça a l’air formidable !
Sinon, il est vrai qu’il est peut-être plus difficile de laisser le matériel de peinture par exemple complètement accessible chez soi si les enfants ont accès en permanence à l’espace de travail, même quand on prépare le repas, ou quand on a un plus petit qui aurait vite fait de repeindre les murs… Chez nous nous essayons de sortir deux matériels de loisirs créatifs ou artistiques, mais ils sont placés en hauteur, à portée des plus grands mais pas de notre plus jeune…
Et chez vous, pourquoi est-ce que vous avez choisi de ne pas le laisser toujours disponible ?
Superbe article, il est vrai que nos amoureux sont formidables pour nos enfants et je suis toujours émue de découvrir le bonheur des enfants dans les moments partagés avec leur pères ! Pourquoi ne pas faire une soirée « ce soir, le roi c’est papa ! » Ou les enfants peuvent préparer un petit Apéritif festif et un spectacle déguisé par exemple pour divertir le roi 😉
Exactement Julie, et surtout pourquoi attendre la fête des pères pour « célébrer » ce fameux roi ! ☺️