Dans son podcast, la psychologue Caroline Goldman préconise une méthode éducative bien spécifique, qu’elle présente comme une recette miracle pour les parents : le time-out, la mise au coin, qu’on peut résumer en français par le fameux « File dans ta chambre ». C’est d’ailleurs le titre d’un de ses livres, dont le sous-titre est « Offrez des limites éducatives à vos enfants ».
On en a beaucoup parlé dans la presse, notamment à travers un article du Monde dans lequel Caroline Goldman expliquait son combat contre ce qu’elle appelle « l’éducation bienveillante positive » et le remède universel du time-out qu’elle propose face à des enfants en crise malgré (ou d’après elle, à cause de) leur entourage qui les choie.
Et c’est là que le sujet est devenu polémique, entre tenants de l’éducation bienveillante (Catherine Gueguen et Isabelle Filliozat en tête), chercheurs en sciences cognitives (dont Franck Ramus), psychanalystes et psychologues de tous bords (comme dans cet entretien du Figaro sur le TDAH et la time-out entre Héloïse Junier et Caroline Goldman), avec, au milieu de ce capharnaüm, les parents.
Des parents qui ne savent plus à quel saint se vouer, eux qui cherchent avant tout à bien faire, peut-être à mieux faire que leurs propres parents, et qui du coup se retrouvent parfois à basculer d’un extrême à l’autre en fonction des recommandations des « experts » du moment. Des parents désemparés, qui ne savent plus comment éduquer leurs enfants au milieu des injonctions contradictoires, enfants qui se retrouvent parfois plongés dans l’incohérence la plus totale : laxisme un jour pour éviter les « violences éducatives ordinaires » et autoritarisme le lendemain pour « rattraper le coup ».
On aurait presque l’impression que le choix se résume à « enfants rois ou maltraitance« .

Je n’ai pas l’intention de polémiquer : cela ne m’a jamais intéressée. C’est pour cela que j’ai pris quelques mois avant de réagir à cette controverse autour du time-out. Le temps d’écouter le podcast de Caroline Goldman (pas seulement un épisode, tous), de relire les recherches scientifiques autour des méthodes éducatives les plus classiques, et d’écouter les parents de mon entourage et de notre communauté, l’Accompagnement des Montessouricettes.
Ce que je vous propose aujourd’hui, c’est donc avant tout de mieux comprendre les enjeux du débat (car il n’y a pas que la question du time-out : Caroline Goldman a des positions très affirmées sur les enfants à haut potentiel intellectuel, le TDAH, le rôle du père et de la mère, la psychanalyse, et tout cela vient souvent parasiter la discussion). Et surtout, vous permettre de vous faire une opinion personnelle sur le sujet, en essayant de mon côté de faire preuve de toute l’honnêteté intellectuelle pour laquelle mon blog est apprécié.
Avant de continuer, si vous préférez écouter le podcast de cet article, par exemple en faisant vos tâches ménagères ou pendant un trajet en voiture, je vous invite à cliquer sur le lecteur ci-dessous :
Pourquoi le time-out de Caroline Goldman tombe-t-il à pic pour faire le buzz ?
Cela fait près de 15 ans que je m’intéresse de très près à la parentalité et à la psychologie. Et en 15 ans, j’ai vu émerger différentes idées qui ont connu un effet de mode : l’éducation bienveillante, la non-violence, les pédagogies alternatives, l’unschooling etc.
Rien de tout cela n’était réellement nouveau : la non-violence remonte aux religions de l’Inde et aux tout débuts du christianisme, le terme lui-même a été popularisé par Gandhi au début du XXe siècle. Pour « l’éducation nouvelle », on peut remonter à Montaigne ou Rousseau, mais c’est aussi au début du XXe siècle qu’elle reçoit ce nom et prend son essor, avec de grands pédagogues comme Dewey, Freinet, Montessori, Decroly etc.
De même, l’éducation bienveillante n’est en soi pas un concept nouveau (s’il s’agit de « vouloir le bien de l’enfant », suivant l’étymologie du mot « bienveillant », c’est même le propre de toute éducation) mais elle a réémergé sous ce nom il y a une quinzaine d’années dans une niche et il y a une dizaine d’années pour le grand public, en même temps que ces notions de non-violence, de pédagogies alternatives etc. Le livre « J’ai tout essayé » d’Isabelle Filliozat date par exemple de 2015.
Tout cela a profité également de l’essor des neurosciences : grâce à l’IRM cérébrale, on en sait aujourd’hui beaucoup plus sur le fonctionnement du cerveau, ce qui a donné lieu à des recherches passionnantes. C’est ainsi que la pédiatre Catherine Guéguen a pu écrire son livre : « Pour une enfance heureuse : repenser l’éducation à la lumière des dernières découvertes sur le cerveau« .
Et comme à chaque fois qu’il y a une tendance de fond, un effet de mode, certains s’y engouffrent jusqu’à l’extrême.

Si on reconstitue un peu l’historique des styles parentaux dominants (pour un récapitulatif des 4 styles parentaux et de leurs caractéristiques, je vous invite à consulter mon article sur le sujet), voici ce qu’on trouve (en généralisant bien sûr, ce ne sont que des tendances) :
- années 50-60 : style autoritaire, avec dans l’excès de la maltraitance, des enfants « dressés » à obéir
- années 70-80 : en réaction, un style permissif, avec dans l’excès « il est interdit d’interdire » et certains idéologues qui mettaient en avant que « l’enfant a le droit à une vie sexuelle comme l’adulte », avec une tentative de réhabilitation de la pédophilie
- années 90-2000 : la génération qui a grandi dans les suites de mai 68, arrivée à l’âge adulte, a le plus souvent adopté un style parental désengagé, voire négligent. C’est l’ère du « jambon-purée-télé », du club Dorothée et des Minikeums.
- années 2010 : développement de l’éducation bienveillante, avec un style parental qui oscille entre le style démocratique (le plus sain dans ses résultats d’après les études) et le style permissif.
Avec le développement de l’éducation bienveillante, les parents ont connu une culpabilisation sans précédent. Aucun pratique parentale n’est jamais assez bonne, puisqu’on peut toujours aller plus loin dans l’amour et la quête du bonheur pour son enfant. Sans compter certains parents qui se posent en chiens de garde de la « bonne » doctrine bienveillante et qui prennent plaisir à détruire la confiance en eux des autres parents à coups de petits commentaires bien sentis : « C’est de la VEO » (violence éducative ordinaire), « Ce n’est pas bienveillant », comme d’autres répondent « Ce n’est pas Montessori » ou « Ce n’est pas de la motricité libre », de façon arbitraire.
Par peur de basculer dans la violence éducative ordinaire qui est tant stigmatisée, certains parents en arrivent donc à une parentalité laxiste (le style permissif dont je parlais plus haut). Et leurs enfants, par contrecoup, cherchent les limites, provoquent et deviennent des enfants tyranniques. Ces parents ne savent plus comment les canaliser car tous les outils de discipline employés par leurs propres parents, à la génération du dessus, se retrouvent décrédibilisés par certains tenants extrémistes de l’éducation bienveillante. Ils ont peur que s’ils disent « Non ! », on va leur répondre qu’ils sont de mauvais parents et qu’ils auraient dû dire « Stop ! » ou valider les émotions de leur enfant.

Donc lorsqu’une psychologue écrit dans la presse qu’il faut remettre des limites éducatives et qu’elle possède LA solution, cela crée le buzz entre :
- les partisans de l’éducation bienveillante qui se sentent attaqués
- les parents désemparés qui se disent qu’il y a peut-être une nouvelle solution à leurs problèmes
- l’entourage de ces enfants rois (qui ne sont qu’une minorité, mais une minorité qui fait beaucoup parler d’elle), qui se sentent confortés dans leur idée que « c’était mieux avant » et « qu’il faudrait un peu leur apprendre la vie, à ces gamins ».
Par ailleurs, outre le sujet du time-out, Caroline Goldman attaque sur plusieurs fronts :
- elle affirme que le TDAH est extrêmement surdiagnostiqué et que dans l’immense majorité des cas, cela ne désigne qu’un manque de limites éducatives
- elle prétend que l’hypersensibilité et le mal-être souvent associés au Haut Potentiel intellectuel ne sont qu’un malentendu
- elle cherche à restaurer l’image de la psychanalyse.
Mais tout cela ne fait que polluer le débat, et je me concentrerai uniquement dans cet article sur la question du time-out.
Un diagnostic juste : remettre des limites éducatives
Cela fait déjà des années que j’affirme, sur ce blog, que l’éducation bienveillante est une galaxie, dans laquelle ont trouve des modes de parentalité équilibrés (avec une juste proportion de fermeté et de bienveillance) et d’autres totalement permissifs (lorsque seule la bienveillance est mise en avant, sans aucune fermeté).
J’ai déjà expliqué pourquoi je n’adhérais pas à la formule « d’éducation bienveillante » et pourquoi il me semblait indispensable de faire un tri parmi tout ce qui était proposé dans cette galaxie. Car si l’on suit certains des préceptes de ce type d’éducation (ceux qui sont les plus permissifs), on culpabilise terriblement les parents tout en renforçant l’anxiété des enfants qui n’ont plus aucun cadre ni aucune limite.
Sur ce point, je partage totalement le diagnostic de Caroline Goldman : à notre époque, lorsqu’un enfant présente des problèmes de comportement, c’est souvent qu’il manque de limites éducatives. J’emploie plus souvent le terme de fermeté, mais cela revient au même.
Non, tous les enfants ne sont pas des enfants rois, loin de là, mais il y en a sans doute beaucoup plus qu’à notre génération, et beaucoup plus de parents épuisés et tyrannisés, à la fois par leurs enfants et par les préceptes à la mode qui sont relayés entre autres sur les réseaux sociaux.
Le problème de ces enfants rois est celui du manque d’équilibre entre bienveillance et fermeté. Lorsqu’il n’y a que de la fermeté, la relation est autoritaire, sans affection. Mais lorsqu’il n’y a que de la bienveillance, la relation est laxiste et perturbante pour l’enfant qui a besoin de repères. Jusqu’où peut-il aller ? Ou comme le dit parfois mon mari « jusqu’où ne pas aller trop loin »…

C’est là aussi que beaucoup de parents sont attirés par le discours sur le time-out de Caroline Goldman : il est plein de bon sens sur ce point et chacun ressent, au fond de soi, qu’on est allés un peu loin dans l’écartement du cadre éducatif. Ce cadre est important, il permet de sécuriser l’enfant et de le guider pour devenir un adulte responsable.
Là où nos avis divergent totalement, c’est sur les moyens à employer pour réinsuffler un peu de fermeté à des modes d’éducation uniquement bienveillants.
Ce que propose Caroline Goldman : une déformation du time-out
Ce n’est rien moins qu’une solution miracle, une recette systématique que propose Caroline Goldman. Je la cite (dans son podcast « Etablir les limites éducatives ») : « La solution tient selon moi en 2 mots : le time-out, ou la mise à l’écart temporaire hors de l’espace commun« .
Vous pouvez croire que j’exagère, que je caricature ses propos, mais je vous assure que non : Caroline Goldman présente une « feuille de route » unique et universelle pour tous les enfants entre 1 an et 11 ans (avec une autre version pour les adolescents sans limite d’âge), je vous invite à le vérifier dans son propre podcast.
Voici les grands principes de cette feuille de route :
- évoquer au moins une fois ses valeurs (personne ne se tape, dans notre famille, nous nous soutenons etc.)
- anticiper les problèmes en proposant à l’enfant des façons d’agir positives avant qu’il ait eu l’occasion de mal se comporter (jusqu’ici, je suis en parfait accord)
- le père (ou le second parent) doit incarner la loi et le respect des règles (la mère doit l’investir en disant des choses comme « je dirai à Papa ce que tu viens de me dire »)
- face à un comportement problématique, rester absolument stoïque. S’il a entre 1 an et 2 ans, se mettre à son niveau et lui expliquer l’interdit (au maximum 3 fois) en précisant que s’il recommence, il ira dans sa chambre. S’il a plus de 2 ans, lui dire « Tu arrêtes ou tu sors, je compte jusqu’à 3 ». Dans les deux cas, s’il continue, emmener l’enfant dans sa chambre avec le minimum de mots, fermer la porte (pas à clé) et lui interdire d’en sortir.
- aller chercher l’enfant après un temps PROPORTIONNEL à la désobéissance.
- en cas de résistance (cris, tapes sur la porte) : allongement de la punition.
Elle s’appuie entre autres sur une brochure du Conseil de l’Europe sur la parentalité positive qui date de 2008 pour légitimer cette solution. Or la brochure mentionne bien le « time-out« , mais sans lui apporter de définition.
Pour Caroline Goldman, si l’enfant nous fait perdre un quart d’heure, par exemple à ne pas vouloir faire ses devoirs, il doit aller au coin pendant une demi-heure. À chaque fois, elle recommande une punition qui double le temps perdu à cause du comportement problème. Avec tout de même une réserve : ne pas dépasser 2 minutes de time-out pour un enfant de moins de 2 ans.
Elle légitime aussi ses propos en citant le programme Barkley pour les enfants présentant un TDAH, tout en affirmant que le TDAH est extrêmement rare, et en oubliant la multitude d’autres outils proposés par ce programme. Barkley, d’ailleurs, propose plutôt ce qu’on appellerait en Discipline Positive un temps de pause, dans un endroit chaleureux, de préférence pas la chambre (qui doit rester un espace de jeu et de repos), sous le regard du parent. Le tout pendant une durée aussi courte que possible (pas plus d’une minute par année jusqu’à 5 ans et moins de 5 minutes ensuite).
Enfin, elle prétend s’appuyer sur les travaux d’Alan Kazdin, professeur de psychologie et de pédopsychiatrie à Yale.
Or, là encore, elle déforme totalement ce qu’on appelle « la méthode Kazdin« . Ce dernier, dans un podcast de Papatriarcat, affirme, suite à ses recherches scientifiques : « La durée du time-out après 1 ou 2 minutes ne fait AUCUNE différence en termes d’impact ». À la question de Cédric, de Papatriarcat, qui demandait « À propos du time-out, si j’ai bien compris, on n’enferme pas l’enfant et on ne le force pas physiquement ? », il répond « Non, cela endommagerait votre relation avec votre enfant et ne développerait pas du tout les comportements que vous recherchez ».

De manière générale, le time-out, qui est couramment utilisé et préconisé par certains pédagogues depuis les années 70, est assorti d’une recommandation de temps très courte : au maximum une minute par année de l’enfant. Mais lorsqu’on étudie les choses un peu plus en profondeur, comme Alan Kazdin, on parle même de seulement 1 ou 2 minutes. On est bien loin du « time-out » de Caroline Goldman, qui peut très bien atteindre une heure si votre enfant vous a fait perdre une demi-heure au parc !
Le time-out vient en réalité des sciences comportementales (un domaine à l’opposé de la psychanalyse pratiquée par Goldman, et qu’elle semble mal maîtriser). Le principe de base est que l’on renforce un comportement en y associant ce qu’on appelle un renforçateur : ou bien on donne quelque chose qui fait plaisir, comme un bonbon, un câlin, ou une parole d’appréciation (renforçateur positif, au sens où on apporte quelque chose), ou bien on retire quelque chose qui fait souffrir, par exemple en relâchant un enfant que l’on tenait de force (renforçateur négatif, parce qu’on retire quelque chose). De même, on réduit un comportement (on parle d’extinction) en y associant une punition : on retire quelque chose qui apporte du plaisir à l’enfant, comme le droit de regarder la télé, un dessert après le repas, ou l’attention de ses parents (punition négative) ou on apporte quelque chose qui fait souffrir l’enfant, comme une fessée, des phrases blessantes etc. (punition positive).
Or, cela ne fait que décrire les principes selon lesquels nous nous comportons : nous recherchons le plaisir et nous fuyons la souffrance. Mais l’utilisation des sciences comportementales fait appel à une certaine éthique.
En voici quelques principes, que l’on peut retrouver par exemple au cœur de l’ABA, une méthode comportementale conçue pour aider plus spécifiquement les enfants neuroatypiques :
- l’extinction d’un comportement est toujours une solution de dernier recours : plus l’enfant dispose d’un répertoire de comportements riche, mieux il est équipé pour faire face à la vie. Par exemple, si on cherche à éteindre totalement un comportement de désobéissance dans l’enfance, le jour où l’enfant devenu adulte aura affaire à des comportements tyranniques (comme un régime dictatorial ou un patron qui impose des choses illégales), il ne sera plus équipé pour désobéir, on aura tout fait pour inhiber ce comportement chez lui.
- par conséquent, on ne cherche pas à supprimer mais à réduire un comportement problème en proposant à la place un comportement plus adapté à la situation, que l’on va renforcer. Il s’agit donc de développer les deux premières étapes de la feuille de route de Caroline Goldman plutôt que les suivantes.
- la punition, qui permet d’éteindre un comportement, est donc à adopter uniquement en tout dernier recours, quand tout le reste a échoué. Car elle entraîne des conséquences graves pour le cerveau et le bien-être de l’enfant, ainsi que pour la qualité de la relation avec ses parents.
Lorsque j’entends Caroline Goldman préconiser sa version du time-out, j’ai l’impression d’un savant fou qui a découvert une technique, certes efficace (du moins si l’enfant a été habitué dès sa plus jeune enfance à obéir, c’est pourquoi elle recommande cette approche dès l’âge d’un an), mais éthiquement tout à fait condamnable.
Et parmi toutes les formes de time-out possibles, aucune des autorités qu’elle invoque ne préconise celle-ci, avec une telle durée.
Est-ce que cela fonctionne ? Oui, sans doute, dans une majorité de cas. Du moins à court terme.
Est-ce éthique ? Non, cela s’appelle du dressage, et c’est contre-productif à long terme car cela blesse la relation et l’enfant.
Cela crée un sentiment d’abandon chez l’enfant et le conduit à mieux cacher ses émotions ou ses comportements problèmes par la suite, mais cela ne résout rien sur le fond. Et qu’arrive-t-il quand l’enfant se met à résister, à empêcher par la force son parent de fermer la porte de sa chambre ? Doit-on en arriver à se bagarrer, à s’imposer physiquement, y compris quand on fait face à un enfant déjà grand et fort ?
Mais alors, que peut-on faire à la place ?
Ce n’est pas la première fois que j’aborde cette question du juste équilibre entre fermeté et bienveillance. Oui, il faut poser des limites éducatives. Oui, il faut préserver l’estime de soi de l’enfant et la qualité de la relation parents-enfant.
C’est tout ce que l’on s’efforce de faire en Discipline Positive.
C’est une ligne bien fine sur laquelle il nous marcher, tel un funambule. Mais n’oubliez pas que le funambule utilise une longue barre, qui s’appelle le balancier. Cette barre a pour but d’augmenter le moment d’inertie : lorsque le funambule avance, ses mouvements le déséquilibrent, mais le balancier réduit l’amplitude de ces mouvements et lui permet d’avoir le temps de se rééquilibrer.

C’est la même chose avec les outils de Discipline Positive. Lorsqu’on sent qu’on bascule vers trop de fermeté, on peut utiliser certains outils qui apportent davantage de bienveillance, comme le fait de se mettre à la hauteur de l’enfant et d’écouter ce qu’il ressent (sans pour autant renoncer à la fermeté en cédant sur le fond du problème).
Lorsqu’on sent qu’on bascule vers trop de bienveillance (au sens où l’enfant n’a plus de cadre et n’est plus assez sécurisé), on peut utiliser des outils qui apportent davantage de fermeté, comme Arrêter de parler et agir (les enfants font les idiots à l’arrière de la voiture alors qu’on va à la piscine ? On les a prévenus avant que si c’était le cas, ce serait dangereux et qu’on s’arrêterait jusqu’à ce que le calme soit revenu, et donc on s’arrête au bord de la route pour attendre le retour au calme).
On pourrait croire que le time-out de Caroline Goldman respecte un certain équilibre également : un peu de bienveillance en restant stoïque, comme une girafe qui ne s’énerve pas et observe la situation de très haut, et de la fermeté avec l’exécution du time-out en lui-même. Mais deux choses posent problème :
- C’est une solution universelle qu’elle préconise pour toutes les situations où il faut poser des limites éducatives. Or, suivant les circonstances, bien d’autres outils seront plus adaptés, plus faciles à mettre en œuvre, comme l’humour, le temps d’échange en famille, proposer des choix limités (surtout avec les tout-petits, pour qui le time-out représente une très grande violence). Ce n’est pas pour rien qu’en Discipline Positive, on a plus d’une cinquantaine d’outils à notre disposition !
- L’ampleur que peut prendre cette punition. On ne parle pas d’une ou deux minutes, mais peut-être d’un quart d’heure, d’une demi-heure, d’une heure, de deux heures… D’après Caroline Goldman, le double du temps perdu à cause du comportement problématique. Là, on bascule dans de l’autoritarisme pur, le peu de bienveillance dont on a fait preuve autour ne fait pas le poids.
Ce sont aussi ces aspects radicaux qui font que la solution plaît à une partie du grand public, qui croit avoir trouvé une solution miracle. Mais je crois que l’on peut être un peu plus nuancés, et chercher des solutions qui respectent à la fois la personne de l’enfant, la personne de l’adulte, et la relation entre les deux.
C’est en tout cas ce que je m’efforce de transmettre depuis des années avec la Discipline Positive, et, au-delà des controverses et des polémiques autour du « time-out » de Caroline Goldman, ce pour quoi je continuerai à travailler.